Symptomatiques d’une époque, les textes et les longues analyses ne sont lus que par peu de personnes. Dès lors, serait-il plus sage et surtout plus efficace de faire court, notamment quand l’heure est d’une telle gravité et l’indifférence de pans entiers de la société et des nuées des vendredis post-prière, à ce point abyssale ? Sans doute. Pour autant, il est à espérer d’y arriver tout en rendant la perspective limpide et accessible.
En cet été de tous les doutes, de tous les reniements, de toutes les magouilles, de toutes les digressions, de toutes les régressions et de toutes les attestations d’une solidarité sélective et d’une fraternité fictive décrétée au virtuel et établie à sens unique… et face à des soldats de l’extrême, certes méritants, mais réduits à leur simple expression et ce, pendant que les villageois, comme toujours, tentent de faire face par eux-mêmes et avec les moyens du bord, pour tenter au moins d’éloigner les flammes des habitations… ces incendies fréquents qui ravagent la Kabylie, étant d’une telle ampleur que sous d’autres cieux ou sous notre propre souveraineté (ṢERΓEN), des moyens conséquents, à la hauteur du sinistre, auraient été mobilisés, l’état d’urgence aurait été déjà décrété, une enquête lancée et un décret pour assister les personnes ayant perdu des biens, signé. L’heure des constats et de l’affliction doit laisser place à une action qui soit immédiate, d’envergure et inscrite dans la durée.
Parce que le patrimoine forestier et la faune ne nous appartiennent pas, parce qu’ils nous ont été transmis par nos ancêtres, parce qu’ils font partie de nous, de notre culture et de notre identité, parce que nous dépendons entièrement d’eux, parce que notre génération ne peut pas se permettre la lâcheté de transmettre à la postérité, une Kabylie aride, désertique et sans son exceptionnelle biodiversité que d’aucuns nous envient et dont des pans entiers partent en fumée chaque année… parce que la Kabylie n’aura aucun sens sans sa faune et sa flore, sans son littoral, sans ses parcs naturels et ses cours d’eau qui sont déjà livrés à la pestilence par des gestions locales aussi pitoyables qu’irresponsables ; conséquence directe de notre dépendance à un État qui ne peut être que jacobin et raciste, et parce que nous devons juguler ce sempiternel sentiment d’impuissance.
J’appelle solennellement les femmes et les hommes à un sursaut citoyen et écologique qui soit à la hauteur de l’amour que nous portons à cette Kabylie martyrisée qui doit impérativement rester belle pour continuer à désirer et à mériter la vie et la liberté.
Pour ce faire, une « organisation pour la protection de l’environnement en Kabylie » est une formule pragmatique et réaliste. Elle puisera sa force dans nos valeurs ancestrales et nos aspirations universalistes et humanistes. Elle ne dépendra ni de l’État algérien, ni d’aucun parti politique, ni d’aucune religion. Elle sera citoyenne, écologique, humaniste et kabyle.
Outre les missions d’intervention dans la sensibilisation, dans la prévention à grande échelle, dans d’importantes campagnes de reboisement, ainsi que dans la protection et la valorisation des écosystèmes en Kabylie, elle osera, pour un premier temps, l’ambition de doter, à moyen terme, chaque commune de structures et de moyens modernes de lutte contre les départs d’incendies.
Incontestablement, son indépendance financière, son implantation dans chaque village et l’engagement de tout un chacun, constitueront le gage de son efficacité et de sa pérennité. Un premier exemple a vu le jour avec Axxam n tmusni, au village Ilewnisen (At Yahya Musa) qui s’est doté d’un Avuzhayer, un camion anti-incendie pour la prévention et la vélocité dans l’intervention contre les départs de feu dans les alentours, mais c’était compter sans les blocages et autres intimidations de la gendarmerie algérienne.
Cet SOS n’est qu’une esquisse d’une démarche inclusive et urgente. Puisse-t-elle trouver écho auprès des citoyennes et des citoyens qui s’en saisiront pour en débattre, en raffiner les contours et la traduire dans les faits, pour faire de cette ONG dont la Kabylie a grandement besoin, une réalité de tous les jours, dans tous les quartiers, sur toutes les collines et dans tous les recoins.
Allas Di Tlelli, Écrivain
27/07/2019
Source : espace Facebook de l’auteur