INTERVIEW. La startup Anili sur son projet pour la langue kabyle : « on espère générer assez de flux d’ici 1 à 2 ans »

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Grâce au numérique, la langue Kabyle a enfin pu avoir une existence officielle. Beaucoup de localisateurs de contributeurs en ont bien pris connaissance, c’est le cas de « Anili » qui est une plateforme communautaire qui œuvre pour la langue et la culture kabyle. Elle est porteuse d’un projet qui permettrait de connecter la langue kabyle et lui faciliter l’accès au numérique.

Se définissant comme une Startup, Anili montre beaucoup d’ambitions quant au projet qu’elle entreprend pour la langue kabyle. D’une conversation dans un cercle familial, jaillit l’idée de lancer un concept qui permettrait de donner un nouveau souffle pour la langue et la culture Kabyle.

Contactés par VAVA-innova, ils ont bien voulu répondre à nos questions.

VAVA-innova : Qui êtes-vous ?

Un groupe d’amis, motivé par la cause d’une culture et d’une langue kabyle moderne et connectée. On est en train de formaliser cela dans le contexte d’une association.

On a un développeur, un graphiste et plusieurs validateurs, l’idée serait de faire grandir ce cercle mais en gardant un minimum de contrôle pour rester efficace.

Qu’est-ce que Anili et quel est son objectif ?

ANILI : vient du verbe “ili” conjugué à la 1ere personne du pluriel “Nous”, cela désigne ce que nous aspirons à être en tant que personnes, en tant que peuple. L’objectif est la collecte de la langue Kabyle dans son intégralité, avec toutes ses variantes régionales et ses mots importés, le but est ainsi de permettre un meilleur tri, une facilité d’accès au numérique et aussi le rêve d’avoir un dictionnaire Kabyle complet.

Qu’est-ce qui vous a motivé à lancer ce projet et comment est née l’idée ?

Ce projet est né dans un cercle familial, suite à une discussion où on se plaignait du manque de source, personnellement j’en avais marre d’écouter des chansons de Matoub Lounes et de ne pas en comprendre quelques mots. Ça fait mal de sentir que notre langue mourrait avec la mort de nos vieux et que si on ne la préserve pas d’une manière efficace, le danger allait s’aggraver.

On avait fait quelques tentatives dans le passé afin de retranscrire d’anciens manuscrits comme celui de Hugues … , mais celle-là n’avait pas abouti. Après réflexions, on a trouvé que le souci c’était les cercles d’associations. Trop restreint pour la taille du projet.

J’ai donc entrepris le projet de développer une plateforme ouverte, où chacun peut rajouter sa pierre, la langue française compte environ 60 000 mots avec 350 000 définitions. Si on rajoute nos variétés régionales on peut probablement atteindre voire même dépasser ces chiffres.

L’idée c’est de faire embarquer le maximum de gens possible dans cette aventure, un petit calcul utopique nous montre qu’on peut collecter toute la langue kabyle en 1 journée. Si on ne prenait en compte que la population Kabyle connectée sur internet et à jour de ce type d’outils, et que chaque personne venait à contribuer avec un seul mot, on peut collecter notre langue en une seule journée.

Anili est une plateforme communautaire. Qui peut y prendre part à ce projet et de quelle façon ?

Tout le monde peut participer, que ce soit avec les contributions ou financièrement. Il suffit de créer un compte, d’ailleurs ça marche avec Facebook et Google. Ensuite, c’est très simple d’ajouter des contributions, on a aussi mis en place quelques vidéos explicatives sur la page YouTube de Anili.

Il est possible de faire partie des validateurs, dont le rôle est de vérifier que le contenu est conforme avant sa mise en production. Actuellement, on travaille sur une grosse mise à jour qui a pour but de simplifier encore plus le site avec peut-être une application mobile à la clé.

On vient justement de lancer une association, Kabylie 2.0 , pour porter ce projet durant ses débuts, cette association se charge de collecter les fonds nécessaires aux frais des serveurs et de la personne qu’on va recruter. Ces fonds sont pour le moment des dons des membres mais on espère agrandir nos membres et aussi toucher quelques sympathisants dans le futur.

Là, il s’agit d’un recensement. Quelles sont les étapes d’après ?

Après le recensement, on veut d’abord faire un dictionnaire V.0 avec aussi peu de lacunes que pourrait contenir une première version, avec comme ligne de mire un dictionnaire fait pour le grand public. Ensuite, on va affiner et nettoyer au maximum afin d’en faire un outil qui pourra autant servir les gens de lettres que le grand public, séparer l’académique du
langage de rue, l’importé de la racine etc…

La dernière étape sera le monde numérique, faire des correcteurs de langue, de la traduction automatique. Cela est bien sûr ambitieux, si on arrive déjà à faire l’intégralité de la première étape, on sera déjà les plus heureux de la planète.

Vous vous définissez comme start-up, c’est qu’il y a un projet économique ?

Ce projet est avant tout culturel et porté par l’honneur de faire partie de cette culture, donc le but de ce projet n’est pas de gagner de l’argent mais de créer une entité capable de survivre toute seule, évoluer et faire évoluer ce domaine.

Le but est de miser sur un flux internet suffisant, on espère générer assez de flux d’ici 1 à 2 ans, pour couvrir une bonne partie de nos charges. Au début, on va s’appuyer sur les dons pour se développer, bien sûr on limite les charges au strict minimum, et on encourage le bénévolat, on a tous nos métiers en parallèle et on travaille sur ce projet durant notre temps libre.

Vous recrutez actuellement, de ce qu’on a compris

Oui, on s’est rendu compte rapidement qu’il n’est pas facile de créer un contenu de qualité quand on manque de formation académique. Donc ces derniers mois la réflexion était plus tournée sur comment financer un recrutement. Aussi, le but est que cette personne travaille à temps plein afin de rendre cette plateforme plus vivante. Nous avons recruté deux personnes. Les deux sont issues d’un parcours académique tamazight, la première est enseignante séniore depuis 2002, et l’autre, une jeune diplômée de cette année.

Un dernier mot ?

Notre objectif serait de voir un jour toute notre langue et notre culture présentent en ligne. On a longtemps été un peuple avec une culture orale, mais les temps ont changé ; de nos jours, c’est l’internet qui est la source de toutes les informations. Ainsi, si on veut persister et faire passer notre savoir aux générations futures, un seul moyen s’offre à nous, se moderniser et se numériser.

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