Radio Soummam : prêche intégriste contre les droits de la femme (Par Kader Sadji)

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« La femme a tous ses droits, elle n’a rien à réclamer et elle ignore qu’elle a tous ses droits »

La Radio Soummam de Bejaïa verse à nouveau dans l’intégrisme et dans la dévalorisation de la femme, aidée en cela par le silence outrageant des femmes elles-mêmes. A l’occasion du 8 mars, cette radio intégriste (disons-le crûment) a invité vendredi 5 mars 2021 une femme enseignante en sciences islamiques pour discourir sur la femme. Selon elle, la femme musulmane n’a pas à réclamer ses droits puisque tout lui aurait été accordé par l’Islam. « Elle n’a rien à réclamer, elles a tout », dit-elle. La femme musulmane aurait même, pour elle, un meilleur statut que celui de la femme occidentale. Quoi encore ? Elle renchérit en ajoutant que les femmes qui protestent ignorent qu’elles ont déjà tous leurs droits !

Ce discours foncièrement intégriste est ressorti à l’occasion du 8 mars et au moment où des femmes militantes appelaient à faire cette journée une journée de lutte pour le recouvrement de leurs droits que le système a bafouées depuis l’indépendance du pays. Le premier gouvernement militariste de l’époque, incarné par le tandem de malheur, Ben Belle-Boumediene, a rétorqué aux 10 000 femmes moudjahidates descendues du maquis, ayant réclamé un statut de citoyennes à part entière : « Rentrer plutôt chez vous, votre place est dans vos foyers. »

Le raisonnement de l’intervenante atteint des proportions dangereuses. Elle soutient que la femme ne peut être l’égale de l’homme puisqu’elle serait, contrairement à celui-ci, portée sur l’émotivité et son cœur prime sur sa raison. Et c’est Dieu, ajoute-t-elle, qui l’aurait créée faible par rapport à l’homme. Cette invocation divine est avancée pour anéantir les velléités égalitaristes prônées par les militantes. Elle sert aussi à neutraliser ces dernières qui risqueraient d’être accusées d’antireligieuses si elles continuaient à réclamer leurs droits, tout comme elle sert à empêcher les millions de femmes déshonorées quotidiennement de relever la tête et d’aller conquérir leurs droits.

Ce discours religieux intégriste sur l’infériorité de la femme qu’aurait légitimé Dieu lui-même est le même qu’ont utilisé les chrétiens catholiques…au Moyen Âge. Et c’est cette ténébreuse époque féodale que le pouvoir cherche obstinément à nous faire revivre …au XXIème siècle. Les mass medias du régime sont mis en branle pour endoctriner les citoyen-n-es afin de les empêcher de secouer le joug de l’oppression.

L’intervenante aggrave cette vision intégriste et dégradante de la femme en affirmant que l’une des preuves de l’infériorité de la femme, voulue par Dieu, c’est qu’elle ne peut même pas exercer certains métiers réservés à l’homme, comme le métier de maçon…Cette propagande est tout simplement bête, car l’intervenante, dans son aveuglement intégriste, refuse de voir la réalité en face. A Ighzer Amokrane, une veuve de chahid, prénommée Taos, avait elle-même construit sa propre maison, en effectuant des travaux du maçon et même du manœuvre. Les gens de la localité dans les années 1980, l’appelaient, en guise de reconnaissance à sa grande bravoure, dda Taos.

L’intégrisme est l’idéologie officielle du pouvoir. Elle s’exprime au fur et à mesure que la quête démocratique s’exprime dans la société. On ne peut donc s’attaquer au système sans chercher à s’opposer à son idéologie. Le pouvoir n’est pas seulement une bande (issaba) comme tentent de le faire croire (naïvement ou par calculs politiques) des voix rejetant les questions d’ordre idéologique. Il a aussi une idéologie qu’il faut combattre.

La radio Soummam, faisant partie intégrante du système et que dirige la police politique (avec tous les respects que l’on doit aux journalistes voulant s’émanciper de l’emprise du pouvoir), est mobilisée quasi quotidiennement pour diffuser des idées intégristes pour maintenir la société dans un état de soumission permanent.

Le pouvoir sait que si les femmes se mettaient massivement à revendiquer un statut d’égalité avec l’homme en droits et en devoirs, en exigeant l’abrogation du sinistre Code de la famille, s’en sera fini avec l’idéologie intégriste du système. La démocratie aura fait un pas de géant dans les institutions et dans la société. Le combat des femmes est décisive dans la chute de se système rétrograde, moyenâgeux, foncièrement intégriste et destructeur.

Kader Sadji
repris depuis le compte Facebook de l’auteur