C’est une photo qui circule depuis plusieurs années sur les réseaux sociaux, pour illustrer la solidarité dans la société Kabyle, l’esprit de Tiwizi, entre autres. Le militant Ahmed Ait Bachir, dans un post publié le 3 avril dernier, est venu avec les explications nécessaires permettant de comprendre le contexte de cette photo.
On y voit six femmes tenir une longue poutre au dessus de leur tête et deux autres transporter des tuiles. Sur une autre version non découpée de la photo, et que nous avons retrouvée, une dernière femme portait, ce qui semble être, une porte sur la tête. Toutes vêtues de robes Kabyles, elles avançaient, visiblement, d’un pas soutenu sur un chemin sinueux au bord d’un versant.
« Cette photo est prise par un soldat français en 1959, entre le village de Bechar et d’At Nzar {Aït Enzar} (Iferhounene-Michelet)« , avance l’enfant de Michelet. Et de poursuivre : « Lorsque l’armée française a bombardé et détruit le village At Nzar, elle a obligé les femmes des villages Aḥfir, At Lvacir {Aït El Bachir} et Tanalt à déplacer les poutres et les tuiles des maisons détruites vers Aggni Waɛdella {Agouni Ouadella} pour bâtir une SAS (Section Administrative Spécialisée). Cela sur une distance de 5 km environ« .
Cela donne une idée du marasme vécu par les femmes au quotidien en ces temps de guerre. La suite du récit de l’ancien numéro deux du MAK confirme cela : « L’armée française a regroupé dans le village Aḥfir l’ensemble des habitants d’At Lvacir et de Tanalt. Elle l’a entouré de barbelés et en a fait un camp de concentration. Deux à trois familles qui ne se connaissaient pas auparavant, se sont retrouvées a cohabiter dans une maison Kabyle (axxam, taɛrict, adaynin). Ils ont obligé les propriétaires des animaux domestiques (chèvres, moutons …) à les vendre ou les sacrifier, pour laisser place aux humains nouveaux occupants« .
Un village transformé en SAS et un autre en camp de concentration, provoquant des déplacements multiples de familles entières qui ont dû se faire héberger dans plusieurs villages tout le long de la guerre.
« Je ne vous décrit pas la solidarité et l’entraide qui régnaient entre les habitants« , conclut Ait Bachir, qui avait 6 ans lorsque cette photo a été prise.