« Si Hakim était un objet, ce serait un ballon, pour sa capacité à rebondir », ainsi a été présenté Hakim Arezki, rescapé du printemps noir qui a perdu la vue après avoir reçu une balle explosive dans la tête et qui a retracé son parcours de combattant le 11 avril dernier lors de l’évènement annuel, TEDx Versailles Grand Parc.
C’est lors de la conférence 100% digitale dont le thème était « faire, notre monde à portée de main » initiée dans le cadre du programme TEDx Versailles Grand Parc, animé par personnages aux parcours hors du commun, que Hakim, enfant du village Tamassit (Aghribs), a retracé son parcours et a fait part de son témoignage sur le printemps noir de Kabylie.
Un 27 avril 2001 tragique
Une histoire qui a commencé le 27 avril 2001, lors des manifestations en Kabylie qui ont viré en affrontement entre la gendarmerie et les jeunes kabyles dont faisait partie Hakim Arezki. Jeune lycéen âgé de seulement 18 ans à l’époque, il s’est pris deux balles, une à la cheville, et une autre, explosive, s’est logée à l’intérieur de sa tête.
Le rescapé du printemps noir a entamé son intervention en décrivant toutes ces belles choses qu’il voyait et admirait dans sa Kabylie natale. Un témoignage d’autant plus émouvant quand on sait qu’il décrivait des choses qu’il ne verrait plus jamais, suite à sa cécité. Il a ensuite évoqué ce marasme qu’il vivait, à l’instar de tous les jeunes kabyles, celui d’être privé de sa langue, son identité et sa culture, ce qui l’a notamment poussé à vouloir manifester en ce fameux 27 avril.
« On n’était pas dangereux, on n’était pas armés. Malheureusement, le pouvoir algérien a ordonné qu’on nous tire dessus avec des balles réelles » se souvient Hakim avant de décrire ce moment tragique durant lequel il a reçu eux balles. Et de poursuivre : « Comme tous les blessés, j’étais laissé pour mort. J’étais abandonné dans un hall d’immeuble. Les manifestants m’ont allongé là pour me protéger, parce que les gendarmes achevaient les blessés ».
Après avoir perdu conscience, c’est dans une ambulance que l’enfant d’Aghribs s’est réveillé. Il a été transféré dans trois hôpitaux durant la même nuit avant d’être admis à l’hôpital Mustapha Bacha d’Alger. Il y est resté cinq jours sans qu’on lui prodigue de soins : « Le pouvoir algérien avait ordonné à ce qu’on ne nous soigne pas » a-t-il affirmé. Son père, résidant en France, s’est dépêché pour le faire transférer à Paris. Il a pris l’avion, assis sur son siège, comme tous les autres passagers, avec une balle logée à l’intérieur de son crâne.
Le rebondissement
Arrivé en France, Hakim Arezki a été vite pris en charge. Après plusieurs mois passés à l’hôpital, il a fini par s’en remettre petit à petit, en enchaînant avec la rééducation. « Tout le monde n’a pas eu cette chance, malheureusement. Mon ami d’enfance, Youcef, avait reçu cinq balles pour avoir osé manifester le même jour, au même endroit et au même moment », regrette-t-il.
Avec beaucoup d’efforts, le jeune rescapé a dû s’adapter à sa nouvelle vie. Il a réussi à surmonter cette rude épreuve grâce à son entourage. « J’ai réussi à revenir parmi les vivants, à rester debout, à me battre, à vivre au plus profond de moi, vivre en me surpassant physiquement et moralement, vivre à condition d’apprivoiser le noir total et irréversible », a-t-il courageusement raconté.
Et de poursuivre : « La soif de vivre, la soif de résister, pour moi et pour les miens, ont fait de moi ce rescapé revenu d’entre les mâchoires de la mort. Ce moment-là, marquera le début de ma nouvelle naissance ».
Hakim a réussi à se relever grâce à ce qu’il appellera ses deux béquilles, la musique et le sport. En effet, son père lui a offert une guitare qu’il apprendra à manier à la perfection. Il a rejoint l’institut des jeunes aveugles de Paris grâce auquel il est devenu accordeur de piano avant de réaliser deux albums. C’est aussi grâce à cet institut qu’il a pu s’appuyer sur sa deuxième béquille, le cécifoot.
La réussite
« Je découvre le cécifoot et au début c’était très compliqué, c’était très dur, mais avec beaucoup d’entraînement, j’ai intégré des clubs de cécifoot tout d’abord et en 2009, j’ai intégré l’équipe de France et je suis devenu champion d’Europe des nations », a -t-il rappelé avec fierté. Et d’ajouter : « Depuis, je suis devenu plusieurs fois champion et vice-champion d’Europe et j’ai été vice-champion aux jeux para-olympiques en 2012. Onze ans après avoir perdu la vue, c’était un truc de dingue ».
Aujourd’hui, le footballeur est en pleine préparation des jeux olympiques de Tokyo avec l’équipe de France de cécifoot. Il est également ambassadeur du sport, responsable développement au sein de son club et président du comité départemental des sports de Seine-Saint-Denis.
« Pour moi, l’humilité, le respect et la reconnaissance sont des valeurs qui se sont installées en moi. Je pense que ce sont des valeurs qui s’installent lorsqu’on fait face à quelque chose de puissant qui nous dépasse. On fait avec, mais on résiste et on se bat », a confié Hakim.
Et de poursuivre : « ce qui a marché avec moi, c’est cette volonté d’essuyer les larmes sur les visages des miens, leur redonner espoir et pourquoi pas les rendre fiers de ce que j’allais devenir. Ce qui a marché, c’est aussi cette volonté de redessiner un sourire sur le visage de mon père et de ma mère qui a été effacé par le pouvoir algérien, comme il a été effacé sur de nombreux visages, de nombreuses familles en Kabylie ».
Aujourd’hui, père d’une petite fille, Hakim force l’admiration des gens qui l’écoutent retracer son parcours de combattant. Il a d’ailleurs été fortement applaudi à la fin de son témoignage. Chanteur, sportif de haut niveau, il a su faire de son handicap sa force.