Yasmin Ṭaleb : amecwaṛ n uxalaf yeqqlen d tanazuṛt
Yasmine Taleb brille par sa voix et son talent. A 22 ans seulement, elle a su gagner la confiance des professionnels de la musique, y compris du chantre Idir. Elle a également réussi à se faire apprécier par un large public. Nous revenons ici sur son histoire et sa carrière musicale, déjà riche en aventures artistiques des plus exaltantes. Yasmine, qui était une jeune pousse, est désormais une artiste accomplie.
Une enfance singulière
Yasmine Taleb est une jeune chanteuse kabyle née le 08 mars 1998 à Tizi Ouzou Ville. Issue de parents sourds-muets et aînée d’une fratrie de 4 enfants, la jeune artiste a eu une enfance très singulière. Interprète de ses parents et de leurs interlocuteurs, elle a dû apprendre le langage des signes à un âge très précoce : « c’est comme si j’étais née avec, comme si c’était inné…Quand tu grandis comme ça entre deux personnes qui ne s’échangent qu’avec des signes, ça vient tout seul. Je les regardai et je reprenais ce qu’ils faisaient ». Elle a été leur voix et leurs oreilles.
Tout comme le langage des signes, la musique était aussi innée chez la jeune chanteuse. Ayant été bercée par les chansons de Idir, sa source d’inspiration, elle a pu trouver en lui la voix qu’elle n’a pas pu entendre chez ses parents. Elle aimait beaucoup Takfarinas et Ait Menguellet, également. Au collège, elle suivait des cours de musique et son intérêt pour la chant s’est accentué. La musique venue d’ailleurs a aussi été pour beaucoup car durant cette période, elle était très attentive aux tubes diffusés sur la chaîne française M6 Musique.
Membre de la chorale du lycée El Khansa
Ayant fréquenté le lycée El Khansa (Tizi Wezzu), elle s’est inscrite à la chorale de l’établissement qui a été créée dans le cadre des activités culturelles initiées par l’académie de Tizi Wezzu. C’est ce qui lui a donné l’opportunité de monter sur scène pour la première fois avec sa chorale, le 1er novembre 2012. C’est également à cette période que Yasmine s’est procurée sa première guitare, malgré les réticences de ses parents.
Le rôle de Ismail Khaldi
Yasmine s’est un jour filmée en train d’interpréter la chanson « Axxam » de Idir Salem. Après avoir vu sa vidéo, ses tantes ont insisté pour qu’elle la diffuse sur Facebook et c’est là que tout a commencé pour la jeune chanteuse. La vidéo a fait le tour du réseau social et a eu un écho très positif. L’adolescente a pu gagner confiance en elle et c’est ce qui lui a permis, en 2014, de monter sur scène pour la première fois en solo, toujours dans son lycée.
En 2015, Yasmine a obtenu son bac et à l’occasion d’un spectacle organisé par l’académie de Tizi Wezzu pour les lauréats de la 5eme, BEM et du BAC, elle s’est produite, avec sa chorale sur la scène du théâtre Kateb Yacine. C’était sa première grande scène.
C’est là qu’elle fit la connaissance de Ismail Khaldi, qui deviendra son ami, son musicien et son arrangeur : « Ismail Khaldi a eu un rôle très important dans ma vie, que ce soit du côté artistique ou personnel. C’est grâce à lui que j’ai pu avancer, persévérer et faire face aux difficultés. Tout ce que j’ai pu entreprendre c’est grâce à lui ». Durant la même année, elle a participé aux castings pour l’émission Alhan Wa Chabab. Arrivée en finale des sélections, elle n’avait finalement pas été retenue pour intégrer l’émission.
Le groupe « Assirem »
Après avoir intégré l’Université Mouloud Mammeri de Tizi Wezzu pour y entamer des études en littérature anglaise, Yasmine a retrouvé ses amis de la chorale de son ancien lycée et des chorales des autres lycées de Tizi Wezzu . Ensemble, ils formèrent le groupe « Assirem », don faisait partie Ismail Khaldi. Le groupe s’est produit plusieurs fois à l’occasion de galas organisés dans l’enceinte de l’université. Il a également été invité à maintes reprises par des associations, en plus d’avoir connu des passages sur les ondes de Radio Tizi Ouzou.
Une rencontre inattendue
En 2017, le groupe « Assirem » devient moins actif, suite aux contraintes personnelles auxquelles faisaient face ses membres. La jeune Yasmine, alors âgée de 19 ans, s’est éloignée du monde du chant durant quelques mois. Toutefois, elle continuait à perfectionner sa maîtrise de la guitare, aidée par un ami guitariste.
Un jour, Radio Tizi Ouzou l’a contactée pour la convier à une émission, en présence d’Idir, afin d’interpréter « Err-as tili », qu’elle avait l’habitude de chanter sur scène.
Cette émission, qui s’est déroulée un 25 octobre 2017, l’a reconnecté à la musique : « j’étais là, devant lui, en train de trembler de stress. Je chantais sa chanson devant un tas de journalistes et d’employés de la radio : le directeur Arezki Azouz, l’animateur Mourad Baloul, Samir Ouanzar des personnes que je ne remercierais jamais assez, … », nous avait-elle confiée.
L’histoire avec Idir n’était qu’à son début. Quelques mois plus tard, Yasmine a été contactée afin de l’accompagner sur scène durant ses deux concerts successifs, le 4 et 5 janvier 2018 à la coupole d’Alger. Pour Yasmine c’était l’occasion de « clore sa petite expérience musicale en beauté ».
Dans la chorale de Idir
Après deux semaines de préparation avec l’orchestre dirigé par Mehdi Ziouche, Yasmine est montée sur scène pour accompagner Idir durant ces deux concerts, en compagnie de Sandra Hamaïdi, Mélinda Haddad et de Célia Ould Mohand.
La jeune chanteuse était tellement émue par la sagesse et la façon avec laquelle Idir introduisait ses chansons qu’elle a pleuré en chantant. Elle était aussi très émue et impressionnée par la relation qu’avait Idir avec sa fille Tanina : « il a su dépasser avec sa fille tous les stéréotypes et les idées inculquées déjà par la religion et par notre société sur la femme artiste en général ». Pour elle, c’était une façon d’encourager les femmes à embrasser l’art : « Il faisait passer un message consciemment ou inconsciemment que l’art était aussi pour les femmes ».
Ce qui était parti pour être une dernière expérience musicale était finalement une nouvelle source de motivation et d’énergie pour Yasmine.
« Awi-d afus-im » avec Djamel Allam
Après le concert avec Idir, la jeune chanteuse a été contactée une nouvelle fois par Radio Tizi Ouzou, pour un hommage à Djamel Allam cette fois-ci. Il s’est déroulé la veille du nouvel an berbère au niveau du théâtre Kateb Yacine, le 11 janvier 2018. « Alors que j’étais en train de chanter sa chanson awi-d afus-im, je suis descendue le chercher au milieu du public pour qu’on chante en duo, je lui ai tendu la main, un peu comme dans la chanson. C’était un moment magique, tout le public s’est levé et a applaudi ».
Le 27 janvier 2018, Yasmine a participé à un hommage à Cherif Kheddam organisé par la maison de la culture de Tizi Wezzu. Elle monte une nouvelle fois sur scène avec le chanteur Malek Bachi pour interpréter « Yečča-tt » du regretté Cherif Kheddam.
L’aventure Alhan Wa Chabab
Quelques semaines plus tard, elle s’est inscrite au concours de chant organisé par le service culturel de l’université Mouloud Mammeri, dans lequel elle finit troisième. En parallèle, elle a passé de nouveau un casting pour l’émission Alhan Wa Chabab organisé à la maison de la culture Mouloud Mammeri, où, cette fois-ci, elle a été retenue.
Elle n’avait pas décidé de faire ce casting, elle y était pour prêter sa guitare à un de ses amis qui allait auditionner. Vers 17h, alors que ses amis et sa tante l’ont poussé à se lancer, elle a fini par céder : « je suis entrée, je me suis retrouvée avec ma guitare devant Amine Dehan, à chanter isn’t she lovely de Stevie Wonder. Il a jeté ses fiches, s’est mis de bout et criait. Je ne comprenais pas sa réaction, je ne savais pas si c’était bon ou mauvais. A la fin, il m’a demandé encore de lui jouer des chansons. Moi qui souffre d’un grand manque de confiance, je ne réalisais pas ce que j’avais fait, j’étais très étonnée. J’avais compris par la suite que c’était dans la poche ».
Yasmine a dû suspendre ses études afin d’intégrer l’école « Alhan Wa Chabab », de mars à mai 2018. Elle y retrouve notamment d’autres jeunes kabyles admis, à savoir : Billel Mohri, Fella Bellali, Nassima Ait Ami et Achour Amroun : « on était très soudés, les 5 kabyles ». Cette expérience lui aura permis de perfectionner ses techniques notamment dans le domaine de la musique, de la chorégraphique et du scénique. Elle a eu l’occasion de chanter en duo avec Amel Zen, l’icône de la chanson Chenoui.
Elle a été nominée au troisième prime durant lequel elle a été sauvée par le public. Elle sera éliminée au prime d’après. Elle a également pu revoir Idir pour la troisième fois au SILA (Salon International du Livre d’Alger).
Une succession de spectacles
Après son expérience à Alhan Wa Chabab, elle a vite enchaîné les scènes un peu partout en Kabylie, notamment à Boudjima à l’occasion des « Belles nuits du Ramadan » organisées par Hakim Dj Evens au mois de mai 2018.
Elle a également participé avec plusieurs artistes dont Lifa Hennad, les chômeurs de Kabylie et Sylas Koukou à l’hommage rendu à Matoub Lounes à l’occasion du 20eme anniversaire de son décès. Plusieurs extraits de chansons du rebelle ont été ainsi interprétées.
Au mois d’août 2018, elle a pris part au festival de la chanson Amazigh à Vgayet {Bejaïa} avec ses 4 amis sortis de « Alhan Wa Chabab ». Vers le mois d’octobre, on la retrouve au gala de charité organisé par « Rotaract Club Kabylie » au profit des enfants non-voyants.
En janvier 2019, la jeune chanteuse a été contactée par Al Djazira TV pour participer au reportage « histoire d’une chanson » sur la chanson « Vava Inouva ». Il fut réalisé en collaboration avec Yazid Arab.
Au studio !
En juin 2019, avec l’aide de son ami Ismaïl Khaldi et de Goldenpix, elle enregistre son premier cover. Il s’agit d’une reprise de la chanson « Urǧiɣ » en hommage à Lounis Ait Menguellet. Un vrai succès sur Youtube : « On ne s’y attendait pas !».
En juillet 2019, elle a participé au festival international « Racontart » qui s’est déroulé au village Sahel (Wizgen). Elle est montée sur scène devant des milliers de spectateurs venus des quatre coins de la Kabylie et de l’international. Un mois après, elle a pris part au festival culturel organisé par le village Agoussim, village natal de son ami Billel Mohri.
En octobre 2019, elle sort son deuxième cover, toujours accompagnée de Ismail Khaldi. Souhaitant promouvoir la culture ancestrale Kabyle à travers Urar n el Xalat, elle reprend le chant traditionnel « Wanest-iyi » : 350 000 vues Youtube en 6 mois.
En décembre 2019, elle a pris part à une série de spectacles dans la capitale Algérienne et qui a duré 3 jours. Plusieurs autres chanteurs kabyles étaient présents dont notamment Rezki Ouali, Malik Kezzoui, Siham Stiti, Bilal Mohri, etc.
En janvier 2020, elle enregistre une nouvelle reprise, cette fois-ci en Goumari, un dialecte berbère marocain.
En mars 2020, elle participe au festival de la chanson Kabyle à Vgayet dédié à la mémoire de Djamila. Beaucoup de grands artistes kabyles étaient présents, dont Malika Domrane, Taoues et Mounia Ath Meddour.
En mai 2020, en plein confinement, elle sort une nouvelle reprise, cette fois-ci, c’est la chanson Ad zzi ssaa de Slimane Azem qu’elle a revisité, avec la participation de bon nombre de musiciens. Elle a également participé à un hommage au pilier de la chanson Kabyle, Idir, avec de célèbres musiciens et artistes kabyles, dont Noria, Rezki Ouali et Cheikh Sidi Bémol.
La carrière enfin lancée !
Yasmine travaille actuellement sur son premier single intitulé « Nek yid-k Ulamek » ainsi que sur un album avec Ismail Khaldi et Sirocco Records. Ils devraient sortir à la fin du confinement. La chanteuse nous a confié qu’elle aimerait beaucoup participer à « The Voice » et d’y faire retentir sa langue maternelle devant les millions de téléspectateurs.
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par Messaoud Nait Chabane
