Ɛebban Remḍan yettwaxdeɛ : Snat tezlatin n Maɛtub ɣef tmenɣiwt-is
Abane Ramdane est né il y a 100 ans, jour pour jour, soit le 10/06/1920. A cette occasion nous revenons sur deux chansons dans lesquelles Matoub Lounes revient sur les circonstances mystérieuses de la mort de celui qui a été surnommé « architecte de la révolution ».
A tidet wi kem-iɛebban
Dans la chanson « A tidet wi kem-iɛebban » sortie en 1979, dans l’album « Ikkes-as i zznad ucekkel », Matoub Lounes parle de la mort de Abane Ramdane qui, dans l’histoire officielle de l’Algérie, reste mystérieuse. Cependant, d’autres sources, y compris des témoignages, rapportent une version des faits qui prête au complot et à la conspiration contre ce personnage central de la révolution.
Dans son poème, Matoub évoque dès le premier couplet la mort de Abane Ramdane. Il raconte comment celui-ci a été appelé par son frère chez lui à At Yiraten pour l’emmener loin des siens, vers la mort. En effet, il précise qu’on a fait usage de fil de fer pour l’étrangler, pour ensuite abandonner son corps sans lui avoir fermé les yeux. Cette version des faits rapportés par plusieurs historiens reste un récit mythique de la mort de Abane.
D gma-s i as-yesawlen
Ɣer At Yiraten
Ur t-zṛin lwaldin-is
S yileẓẓu i t-xenqen
Ur as-cudden allen
Plus loin dans sa chanson, Lounes se place dans le contexte de son époque, marqué par le combat pour l’identité et la revendication culturelle. Il parle notamment du danger d’extinction qui guette l’identité et la culture berbère dans un pays à régime oppresseur. Voix du peuple et surtout de la jeunesse, le Rebelle exprime dans son langage hautement soutenu la flamme flamboyante qui réside le cœur des siens, et la misère morale qu’ils vivent à l’heure où leur culture est privée de voir le jour. Il compare alors cette oppression au voile constant qui n’a pas été levé sur la mort d’Abane.
Ggullen ɣef winn d-ineṭqen
Tidet wi i tt-yessnen
Yettagad ad t-yečč yiɣzeṛ
Ṛjut ur ttṛuḥut
Dans cette chanson inédite qu’il a interprétée dans un concert, sans l’avoir jamais enregistrée, Lounes revient encore une fois sur la mort d’Abane Ramdane. Cette fois, ce sont les ossements de Abane qui demandent justice. Ils implorent à ce que le voile soit levé sur son assassinat au Maroc. Matoub choisit d’ailleurs le terme « Ibuɛemmaṛen », pluriel de « abuɛemmar » (Faucon hobereau), pour désigner ces comploteurs assassins et leur détermination à « chasser » tout ce qui entrave leur chemin.
L’assassinat d’Abane Ramdane a été un tournant de la révolution algérienne qui a signé le début d’une autre époque pour le peuple. Matoub fait allusion à la misère qui a suivi l’ensemble des complots qui ont gangrené la révolution. Un ensemble de règlements de comptes qui n’a apporté une souffrance supplémentaire aux petites gens :
Isuḍ-d lbaṭel aderɣal
Ɛemṛen-t-id d uzzal
Imdanen ur ten-izgil ara
Am ccetwa am uzal
Nerbeḥ-d uffal
Am akken terra tmara
Par ailleurs, Lounes ne manque pas de revenir sur les faux héros de la révolution. En effet, les assassins de Abane ont été salués à l’indépendance. Et le sang qu’ils ont sur les mains n’a jamais obtenu réparation.
Yuɣ-d lḥeṛma mejjir
Xas daxel n uɣdiṛ
Izuṛan-is ma ad d-beddlen
Enfin, la révolution algérienne a laissé des blessures incurables que l’histoire officielle tente de dissimiler. Dans cette atmosphère de conflits d’intérêts, de complots, d’assassinats et de déni de vérités historiques qui n’a pas pris fin à l’indépendance, et qui continue à faire souffrir le peuple durant bien des années, Lounes affirme choisir son camp. Il choisit sa culture et son identité avant tout.
Teǧǧa-d taluft tisigar
D leɛyub d-sdehṛen wussan
Ihi ass-a yegzem wemrar
Ad d-iniɣ nekk wi iyi-ilan