Romain répond — Sommes-nous toujours obligés de sacrifier notre jeunesse?

Romain yerra-d — Ma yella ilaq ad nettak akkass temẓi-nneɣ d asfel?

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Puisque nous ne pouvons pas faire mieux, allons rendre hommage, par culpabilité chrétienne, à nos enfants tués, à nos enfants assassinés par notre négligence et notre esprit révolutionnaire et va-t-en-guerre sans armes…

Pourquoi sommes-nous toujours obligés de sacrifier notre jeunesse, non pas pour la liberté, mais pour maintenir l’illusion d’une lutte absurde et sans issue ?

Fabriquer des héros ou des prix Nobel?

Nous avons depuis la nuit des temps misé sur le courage et ça n’a rien donné. N’est-il pas temps d’arrêter cette disposition suicidaire et de miser enfin sur l’intelligence et le savoir, sources de libération, de santé et de bonheur.

Arrêtons de fabriquer des héros, pensons plutôt à fabriquer des prix Nobel, des philosophes et des créateurs dans tous les domaines.

Ce sont eux qui doivent nous pleurer…

Nous ressentons à chaque 20 avril un sentiment de honte vis-à-vis des jeunes morts en 2001, car nous n’avons pas eu le courage de les venger, encore moins la volonté de réaliser le rêve de liberté pour lequel ils sont tombés.

Rendez-vous l’année prochaine, non pas pour fêter le 20 avril sur la place de la liberté, mais pour pleurer encore une fois de plus dans les cimetières ces victimes que la mort a pétrifié dans leur belle et éternelle jeunesse printanière. A combien d’humiliations que nous subissons encore, nous les malins toujours vivants, et auxquelles ils ont échappées là où ils se trouvent, chez Hadès.

Nous vieillissons de fatigue et de remords, mais pas eux. Ils ont échappé une bonne fois pour toute à notre condition kabyle. Ce sont eux qui doivent nous pleurer. Comme dirait le sage Silène torturé, le père adoptif de Dionysos : « La plus désirable des conditions pour l’homme serait de ne pas être né, mais ce qui serait préférable au second lieu, ce serait de mourir le plus tôt possible.« 

Comme le serpent qui se mord la queue

« En temps de paix, les fils enterrent les pères« , dirait Hérodote. Mais comme chez nous le temps semble à la guerre cyclique, comme le serpent qui se mord la queue, ce sont les pères qui enterrent les fils.

Et nous le faisons d’une façon cyclique depuis la guerre d’Algérie : des jeunes qui se sacrifient pour les vieux. Et les vieux, bien entendu, ne comptent en aucun cas changer de système. Un système qui achète le sang de leurs enfants et qui pérennise leurs rêves de vieillards. Mais comme dirait Nietzsche : « Il faut avoir beaucoup de vie en soi pour mourir.« 
Notre mauvaise conscience a encore de beaux jours devant elle. Elle doit être bien confinée derrière nos belles têtes de circonstances.

Romain Caesar, Écrivain