Kamal Dawed, aɛṛab war-isem n Camus neɣ Muḥend U-Ceɛban n Muḥend U-Yeḥya
Kamal Daoud, l’arabe anonyme de Camus ou MuHend U Ca3van de MuHend U Yehya
A force de se prendre pour Camus, on finit par incarner l’un de ses personnages romanesques. C’est ce qui est arrivé à monsieur Daoud, qui est devenu la parfaite incarnation de cet « Arabe » anonyme tué par Meursault, que la France, battant encore sa coulpe, ressuscite quotidiennement à travers le journaliste, lui donne un nom et le récompense pour ne pas dire le dédommage. La France est contente, elle a retrouvé sa bonne conscience en donnant un visage et un nom, arabe de surcroît, à l’indigène anonyme, tué par la France stoïque, voire absurde.
Enfin, l’« Arabe » de l’étranger n’est plus une image. Il a même une identité. L’identité algérienne que le prix Nobel a fini par restituer en dédommagement à la victime de Meursault.
L’identité algérienne, ce concept créé par la France pour les Européens d’Algérie. Concept revendiqué par les Kabyles depuis les années 40, quand les ancêtres de Daoud se disaient Arabes et Musulmans. Des militants kabyles qui luttaient pour l’identité algérienne tués par ses ancêtres avec la complicité des arabo-islamiques kabyles, et dont les héritiers politiques sont, aujourd’hui, ses amis. Voilà, plus d’un demi-siècle plus tard, MuHend U Ca3van se réveille, tout nu, en pleine campagne, pour nous apprendre qui nous sommes.
Kamal Daoud pense avoir réinventé l’identité algérienne. Une identité chantée et célébrée par des générations de Kabyles dont certains assassinés. Mais Daoud veut que l’Histoire commence par lui, depuis son réveil, en pleine campagne, alors qu’il allait voyager, comme MuHend U Ca3van, avant que Meursault ne l’assomme et ne lui vole sa valise, ses vêtements, sa miche de pain, son parapluie et son soupçon de savon.
Il nous parle du passé et du message dont il est missionnaire. Il revient tout nu, mais avec une identité. Une identité qu’il a reçue directement des mains de Camus. Il va encore plus loin, sur Arté, il nous a appris qu’il a reçu aussi de Camus le soleil et la Méditerranée, grâce au vin de sa région que Boumediène a cuvé en détruisant les vignes coloniales de Kabylie. Le vin de sa région qui, comme ses écrits, ne trouvent, du reste, en Algérie, des consommateurs que chez les réfractaires Kabyles, autrement dit les Gaulois de Camus de poche.
Mais bon, c’est comme dans la ferme d’Orwell : qui cherche les bonnes grâce de sa majesté Napoléon doit d’abord dire du mal de Boule-de-Neige, l’ennemi du système.