Assassinat de Djaffar Ouahioune : un ancien élève raconte

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Le 10 mai 1997, une journée printanière. Il commençait déjà à faire chaud sur At Yanni. J’avais 17 ans et j’étais en 2e année secondaire. Nous étions en cours, dans le bloc le plus récent du lycée Si Hacene Outaleb. Il surplombait la cour de récréation qui faisait aussi office de terrain pour la pratique du sport.

Soudain, le cours d’anglais de madame Z. a été interrompu par quelqu’un qui toquait à la porte. C’était notre camarade et ami H. C. Le visage pâle, en tenue de sport, il a pris la parole pour faire une annonce : « les islamistes sont dans le lycée, à la recherche de Ouahioune Djaffer mais ils ne feront de mal à aucun d’entre vous« . Comme il était en cours de sport dans la cour, les terroristes l’ont envoyé pour faire le tour des classes et nous faire part de leur sinistre projet.

Une panique générale s’est emparée de notre classe et madame Z. a su faire preuve de sang froid pour nous « ramener au calme » et éviter des mouvements de panique qui auraient pu être désastreux. Nous étions un certain nombre à nous mettre debout pour regarder par les fenêtres, sans être vus. En effet, la position dominante de la classe nous permettait cela.

Dans la cour, il y avait de l’agitation et une grande tension. Les barbares étaient déguisés en gendarmes et policiers. L’un d’entre eux était en civil avec un trois quart qui pouvait faire penser à un policier en civil. Une angoisse macabre régnait dans la classe. On les voyait se diriger vers les classes de terminale et soudain on a entendu des tirs.

Dans la classe, il y a eu un long moment de silence, un très long moment de silence. Nous étions dans une peur indescriptible. Une fois que nous étions sûrs de leur départ, nous sommes sortis. Je me suis dirigé, en compagnie de mon ami S.B., vers le lieu où l’ignominie s’était produite, comme si je ne voulais pas croire que l’horreur a pu frapper.

Là on a découvert le corps de l’enseignant Ouahioune allongé par terre, le visage défiguré. Il a été assassiné devant ses élèves, dans la classe. Des cris, des pleurs, un climat de terreur régnait dans l’établissement. Une fille qui était au tableau au moment des tirs a été atteinte au mollet et sera hospitalisée pendant plusieurs jours.

Dans ce brouhaha et ce climat de terreur, on a appris qu’ils ont aussi assassiné Kamel Aït-Hamouda, un compagnon de Djaffar Ouahioune, qui agissait en tant que garde du corps. Ils l’ont exécuté devant le personnel administratif et logistique du lycée.

Pendant de longues semaines et jusqu’à la fin de l’année scolaire, un climat inédit et particulier, fait de peur de chagrin, a régné dans notre lycée. Jusqu’à aujourd’hui, à chaque fois que je passe à côté, le souvenir de cette funeste journée refait surface, les visages de Djaffar et Kamel reviennent dans mon esprit et mes yeux se remplissent de grosses larmes.

Leur ignoble assassinat et le souvenir que j’en garde sont comme des rappels permanents sur le caractère fasciste de l’islamisme sous toutes ses formes et sur le fait qu’il constitue une idéologie incompatible avec la démocratie et le combat pour Tamazight, deux sujets qui tenaient à cœur à Djaffar.

Mustapha Mokdad,
ancien élève du lycée Si Hacene Outaleb

Djaffar Ouahioune
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