Romain yerra-as — kraḍ n tenyirin i aɣ-d-immalen agafa
Depuis Vava Inu Va jusqu’à son enterrement à Paris, ville des lumières, Idir, en bon capitaine, n’a jamais cessé de nous montrer la voie vers le Nord, le monde libre, l’Universel et les musiques verticales.
Idir a fait les mêmes choix qu’Apulée qui est parti, il y a 2000 ans, de Madaure vers Ostie. Apulée, comme nous, a lui aussi perdu son identité : souvenez-vous, une sorcière l’a transformé en âne, il a perdu sa forme humaine et sa langue. Il a passé sa vie misérable ânesque à transporter l’or des voleurs et des brigands, d’où son nom « L’âne d’or ».
Mais à la fin, il a retrouvé sa forme humaine et sa langue grâce aux dieux antiques, à la culture latine et au pouvoir de la rose. Il nous a transmis suite à cela, une œuvre philosophique monumentale dans laquelle il nous a raconté l’histoire de Lucius et son voyage en Grèce, le pays de sa mère. La Grèce, notre mère, la gloire de la Méditerranée.
Idir a repris le flambeau et a traversé la Méditerranée comme Apulée et Camus, mais avec des mélodies et des rythmes nus et chauds de Kabylie qu’il a rhabillés avec des harmonies rigoureuses du Nord.
Trois expériences, trois langues et trois destins qui ne cessent, à travers leurs héritages, de nous indiquer le nord. La voie menant vers soi et enfin vers chez soi. Les Allemands disaient : « on ne devient Allemand qu’en passant par la Grèce », adage qui s’applique aux Kabyles qui se redécouvrent en franchissant la Méditerranée, en passant par l’Europe et L’Amérique.
Je me rappellerai toujours de ce que m’a dit mon oncle quand j’ai « glissé », pour la première fois, de mes montagnes vers Alger : « Si jamais tu te perds à Alger, ne demandes jamais ton chemin aux Arabes, tu risques de ne plus revoir ton village. Dirige-toi plutôt vers la mer, rejoins le port et tu es sauvé. »