Romain répond — Quel rapport avoir avec nos pays d’accueil?

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Slimane Azem, un artiste que « son destin », comme il dirait, a éloigné de son village, de ses champs, de ses amis, de sa famille et de son public, en somme de ses sources d’inspiration, est peut-être le seul artiste à connaître le véritable exil, mais qu’il a su chanter comme personne.

L’exil de Slimane Azem devenu le sort artistique des artistes kabyles?

Slimane Azem, grâce à son succès, a créé une tradition chez les artistes kabyles : le chant de l’exil. Il l’a créé même chez des poètes qui n’ont jamais quitté leurs villages. Aucun artiste kabyle depuis Slimane Azem n’a échappé à ce thème et aucun n’a essayé de le varier hélas. Ce thème est resté le même depuis « A tamurt-iw ɛzizen i n-ǧǧiɣ mebla lebɣi« . Il est même devenu l’hymne des jeunes appelés kabyles, confinés dans des casernes militaires algériennes, loins de leur Kabylie natale.

L’injustice et l’exil que Slimane Azem a subis sont devenus la douleur de tous les artistes kabyles, voir leur sort artistique. Non seulement, ils sont devenus celui de tous les Kabyles, perdus dans les méandres de l’histoire.

Aujourd’hui, nous devons peut-être nous intéresser, pas seulement à son oeuvre, mais aussi à sa vie et à ce que la France lui a donné. N’a-t-elle pas fait de lui un artiste génial, un homme beau et élégant, un chanteur reconnu à la fois par la Kabylie, son pays d’origine et la France, son pays d’accueil ? Et pour finir, ne l’a-t-elle pas honoré en baptisant en son nom des rues de Paris ?

Il est temps d’apprendre à aimer nos pays d’accueil

Il est peut-être temps, pour nous, d’explorer le côté jardin de Slimane Azem. De connaitre ses éclats de rire. De chanter enfin la joie de vivre hors de chez soi. Il est temps d’apprendre à aimer nos pays d’accueil car ils sont aussi nos pays et ceux de nos enfants. Plus de tristesse. Nous sommes heureux à Paris, à Montréal, à Berlin, à New York…

Sortons de notre exil. Dépassons la nostalgie de nos parents, qui certes sont partis contre leur gré, ce qui n’est plus notre cas aujourd’hui. Aimons et chantons les pays d’accueil. Tissons des liens avec d’autres peuples. De nouvelles alliances nous permettront enfin de renouveler nos patrimoines génétique et culturel.

Slimane Azem était un génie mélancolique et Baudelairien. Il a connu le spleen de Paris. Mais sa vie a été sûrement belle, ce Méditerranéen, si rafiné, intelligent et élégant. C’est cet autre aspect de sa personne que nous devons cultiver. Quant à sa tragédie, elle appartient désormais à l’histoire de l’art.

Romain Caesar, Écrivain