Romain répond — Que sommes-nous devenus dans nos villes et nos villages ?

Romain yerra-as - D acu i nuɣal deg yiɣerman d tudrin-nneɣ?

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Le kabyle, à son corps défendant, s’arabise et s’islamise. Il imite à son insu le citadin algérien qui, en 60 ans de « citadinité », a réussi l’exploi de « bédouiniser » les grandes villes comme Alger et Oran, jadis joyaux de la Méditerranée. Et en tuant ses villes, il a tué avec elles la Chose Publique, RES PUBLICA, ou si vous voulez la Republique. Voilà pourquoi l’Algérie s’éloigne de la loi de la cité, l’essence même de la République, et se dirige aveuglement et fanatiquement vers celle de Dieu et de son prophète.

La ville algérienne n’est plus organisée, comme l’a laissé le Français qui l’a construite, autour des lieux de vie et de culture, mais autour de la mosquée, du souk et d’El Hamam. Il n y a absolument rien d’autre en dehors de ces trois lieux. Si, il y a les salons de coiffure, les cafés hallal, les salons de thé familiaux et les stades de foot. Enfin tout ce qui pousse un jeune sensé à se tirer une balle dans la tête ou à se jeter en mer.

Je discutais dernièrement avec un ami au téléphone. Cet ami a une maison à Tizi Ouzou, mais il préfère habiter au village. Selon lui, quand il est chez lui à Tizi Ouzou, il est contraint de regarder par la fenêtre chaque 20 minutes pour voir si on ne lui a pas volé sa voiture. Quelle belle vie !

Le village s’agrandissant commence à prendre ce chemin hélas. Le NOUS villageois est en train de s’éffacer devant le MOI-JE citadin. Le moi-je qui nettoie sa voiture en jettant ses saletés dans les rivières et les champs; décore son intérieur au détriment de l’extérieur; construit des mosquées massives au détriment de l’aspect du village et du paysage; etc. Le villageois, comme le citadin, la « modernité » algérienne oblige, est en train, à son tour, de réorganiser sa cité autour de la mosquée, autrement dit il se rapproche, comme son cousin des villes, de la loi divine orientale et s’éloigne dangereusement de son environnement, de sa terre même en l’habitant et de la loi humaine villageoise, issue de l’assemblée, héritage antique méditerranéen.

Nous sommes loin de ces temps où les maisons du village restaient ouvertes afin de laisser entrer et sortir les hirondelles. Aujourd’hui, tout est barricadé. Le moi-je citadin prédateur rôde. Il défie la loi humaine, il a la puissance suprême avec lui. Il a chassé de chez nous les hirondelles et avec elles le printemps.

Aujourd’hui, si nous choisissons d’entretenir l’espoir de construire un jour une Chose-Publique, nous devrons renouer, urgemment, non pas avec les traditions et les coutumes kabyles sclérosées, mais avec l’esprit de la Chose-Publique. Nous devrons renouer non pas avec le NOUS tribal grégaire et defensif, mais avec un NOUS volontaire, entreprenant et républicain.

Nous avons tout pour construire un nouveau NOUS, autrement dit une république pour nos enfants. Mais pour réussir, nous devrons cesser de construire, avec leur peau, celle de nos ancêtres.

Romain Caesar, Écrivain

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