2001 – Dr Kamel Daoudi : « J’ai fait sortir Yazid Zerhouni de la salle de réanimation »

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Dans une entrevue accordée à la chaîne Kabyle TQ5 Monde, au sujet du printemps Noir 2001 et diffusée ce 1er juillet, le Dr Kamel Daoudi a livré un témoignage inédit sur ces événements sanglants. Il a notamment évoqué la venue de l’Ex ministre de l’intérieur algérien, Nouredine Yazid Zerhouni, au CHU de Tizi Ouzou, qui était alors bondé de manifestants blessés lors des affrontements avec les forces de l’ordre algériennes.

Docteur Douadi était de garde, un soir de 2001, et venait de sortir du bloc après avoir opéré un jeune de 33 ans. « Monsieur le ministre était venu avec une délégation d’une vingtaine de personnes et se sont introduits dans la salle de réanimation. Alors que pour cette salle, nous avons instauré un système d’asepsie rigoureuse, l’accès était strictement interdit sans tenue stérile obligatoire. Il y avait des règles que tout le monde respectait que cette autorité était venue piétiner », se souvient-il.

Pour le chirurgien, il s’agissait d’un acte d’incivisme devant lequel il ne devait pas se taire. « J’étais contraint de les inviter à sortir en leur disant : messieurs, ça, ce n’est pas un café, c’est une salle de réanimation, je vous prie de sortir ». Le Wali de Tizi Ouzou de l’époque, Ouali Abdelkader, également présent, l’avait menacé en lui disant : « Tu vas le payer très cher Daoudi ».

En effet, en 2001, le Dr Kamel Daoudi était le chef des services d’urgence du CHU de Tizi Wezzu. Il était notamment au cœur des événements qui ont secoué la Kabylie. « Il y a des choses que je peux dire et d’autres que je ne peux pas. Je n’ai pas de protection et en ces temps de répression, en parlant de choses sensibles, c’est un pied qu’on met en prison », a-t-il regretté.

« Dans ma spécialité, c’était la première fois, qu’à Tizi Ouzou, autant de thoracotomies (ouverture du thorax) avaient été pratiquées. J’en ai même réalisé 17 avec les moyens de bord. », a-t-il témoigné.

Le Dr Daoudi a décrit une scène pour le moins révoltante : « un jour, il y avait un bébé de 9 mois blessé que j’avais entre les mains. J’étais obligé de l’évacuer à la cave et de l’oxygéner car il était intoxiqué par la fumée des bombes lacrymogènes ». Il a rajouté : « j’ai appelé le Wali pour lui dire que les bombes pénétraient à l’intérieur de l’hôpital et sa réponse était : « Wash habit ndir lek » (que veux-tu que je te fasse, ndlr) ».