L’écrivain Mourad Hammami : « La Kabylie est une citadelle mondiale de lutte contre l’islamisme » (interview)

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Le journaliste, réalisateur et désormais écrivain Mourad Hammami a sorti son premier livre consacré à l’islamisme politique et au terrorisme. L’ouvrage s’intitule : « L’islam politique et le terrorisme à l’assaut de la France et de l’Occident ». Il est publié en France par « Les Éditions Du Net ».

Nous nous sommes rapprochés de l’auteur afin d’en savoir plus sur cette oeuvre qui revient, avec des noms, des dates et des lieux, aux origines du fléau islamiste dans le monde mais aussi sur son impact sur le cheminement de l’Algérie depuis le début du XXe siècle. « Un cas d’école sinistre » précise Mourad Hammami qui parle également, dans cet entretien et dans le livre, de la Kabylie, qui est « au cœur du monde de la lutte contre l’islamisme », assure-t-il.

Enfin, ce livre sera prochainement disponible en langue Kabyle, en version écrite et audio, pour que chacun puisse avoir accès à son contenu.

VAVA innova : D’où vous est venue la volonté d’écrire un livre sur l’islam politique et pourquoi maintenant précisément ?

Mourad Hammami : J’ai toujours vu comme nécessité d’écrire un livre sur l’islamisme.

Tout d’abord en tant que kabyle, algérien, libre et progressiste, j’ai vu en l’islamisme une erreur, un accident de l’histoire, un mal sournois et dévastateur. Il est évidement la création de ce système, pour ne pas dire que l’islamisme et le système sont nés du même ventre affreux et l’accouchement a eu lieu en Égypte avant de l’exporter en Algérie.

L’islamisme on le subit chaque jour, dans les moindres moments et ce depuis une quarantaine d’années.

L’islamisme, qui s’est vite transformé en terrorisme, j’ai eu à le vivre pendant de longues années en Algérie. Notre village  a vécu pendant des années, particulièrement à partir de 1995, dans un climat de guerre face au terrorisme. Cette résistance armée a eu lieu après une résistance politique depuis 1990.

Ce que nous avons vécu mérite d’être raconté et légué à l’histoire. A partir de 2012, j’ai commencé un projet d’un livre qui avait pour titre « Algérie, 20 ans de terrorisme ».

Au moment où j’écrivais les premières pages de ce livre, le terrorisme était toujours actif : des bombes explosaient, des faux barrages dressés et des attaques se poursuivaient contre les forces de l’ordre et même contre certains villages de Kabylie.

Je volais un peu de mon temps dans ce rythme endiablé que je me suis imposé lorsque j’étais en Algérie où j’assurais plusieurs rôles.

En décembre 2013, après avoir subi beaucoup de problèmes et de menaces qui pesaient contre ma personne, j’ai décidé de quitter le pays.

En arrivant en France, après une petite accalmie, je me suis retrouvé au cœur du terrorisme marqué par les attentats perpétrés par l’État Islamique, suite aux guerres civiles en Syrie, en Irak et en Libye.

Comme tout le monde, j’ai assisté à ce climat de guerre presque planétaire du terrorisme, qui ne laisse personne indifférent. J’ai vu comme tout le monde ces processions humaines, depuis la Syrie et l’Irak en direction de l’Europe. J’ai vu et j’ai souffert comme tout le monde des atrocités enfantées par ce terrorisme islamiste, notamment, l’image de Aylan Kurdi, dont le corps est rejeté par les vagues dans une plage en Turquie, des soldats enfermés dans des cages à animaux, puis brulés vif en Syrie, une plage devenue rouge sous l’effet du sang des 22 coptes égorgés en Libye et du français Hervé Gourdel, assassiné atrocement en Kabylie. J’étais parmi les premiers à avoir vu cette vidéo insupportable.

A rajouter à cela, juste après les attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo au début janvier 2015, je me suis retrouvé à la maison des journalistes de Paris. J’ai vécu pendant des mois à l’instar de tous les journalistes qui étaient avec moi sous la menace direct d’attentats. J’ai vécu presque la même intensité de peur que celle que j’ai eu à vivre en Kabylie pendant des années.

A partir de là, je trouve que mon projet de livre est dépassé, donc il faudra passer à quelque chose de plus profond.

C’est dans ce climat chaotique que j’ai commencé à m’efforcer à comprendre l’origine de tout ce mal. Le feu est partout, il ravage tout, mais ce qui m’intéressait ce ne sont pas ces feux, mais l’origine, le combustible qui provoque et alimente ces horribles incendies.

C’est à partir de là que je me suis intéressé à l’idéologie, à chercher dans l’actualité et l’histoire la matrice de tout ce mal. Et à ma grande surprise, j’ai découvert qui est le coupable. C’est un monstre invisible, tentaculaire, qui s’appelle l’organisation des Frères musulmans.

Justement, la première partie de votre livre revient sur Hassan El Banna, fondateur des frères musulmans. Est-ce là la clé de voûte pour comprendre l’Islam politique et même le djihadisme tel que nous les connaissons de nos jours ?

Oui, presque tout à fait. Hassan El Banna, le grand père de Tarik Ramdan est l’accoucheur de cette idéologie sinistre. Les choses ont démarré sur la base d’une simple association de 7 personnes dans la ville d’Ismaïlia en Égypte, aux abords du Canal de Suez en 1928. L’islamisme existait bien avant. Nous citons les agitations d’Ibn Taymia, de Mohamed Abdou, de Mohamed Abdel Wahab, entre autres. Mais c’était disparate, c’était beaucoup plus théologique. Ils ne se sont pas dotés du politique, de programme d’expansion et d’idées révolutionnaires.

Hassan Al Banna avait su comment capter tout ce qui existait. Il avait capitalisé toutes les frustrations des peuples de cette région, suite à la chute historique de l’empire Ottoman, pour transformer le tout en une énergie poltico-idéologique, basée sur l’islamisme et l’arabisme. Il était le contemporain d’Hitler et de Mussolini. Leurs stratégies et leurs visions des choses se ressemblaient énormément.

Après avoir conquis l’Égypte, la Confrérie déborde au-delà, tout d’abord dans les pays de la région, puis dans les pays de la Numidie. Ce livre tente de démontrer par des noms, des lieux, des dates et des déclarations que derrière toutes les agitations au nom de la religion de l’islam, il y a un seul coupable, un seul acteur, un seul à montrer du doigt, il s’agit de la Confrérie des Frères musulmans.

VAVA innova : Le titre parle de l’islam politique qui envahit l’Occident et la France mais le contenu ne s’arrête pas à cela, n’est-ce pas ?

Mourad Hammami : Non pas du tout. Au contraire, le titre est trompeur. Si j’avais le choix, je vais mettre un long titre qui sera « l’islam politique et le terrorisme à l’assaut de la France, de l’Occident, de la Kabylie, des pays de l’Afrique du Nord, etc ».

Ce livre est un voyage au rythme soutenu à la fois dans l’actualité et l’histoire. Dans ce livre, j’ai consacré plus de 100 pages rien que pour l’Algérie. A travers l’Algérie, j’ai parlé des autres pays de l’Afrique du Nord. J’ai évoqué l’Algérie, car c’est mon pays, mais aussi il est touché et de plein fouet par cette maladie politique. Il est un cas d’école sinistre, un laboratoire de ce projet ravageur.

Sur ce sujet, vous dites également que « l’occident doit savoir écouter l’Afrique du nord »…

Oui. L’Occident se montre souvent orgueilleux et méprisant envers ces pays. Il est dans cette vision stupide à faire croire que sa lumière brillera par la seule condition que les lumières des autres soient éteintes.

Or l’Occident peut œuvrer pour la démocratisation de ces pays et cela sera bénéfique pour lui. Ces pays retrouveront le chemin de la paix et du développement et cela profitera pour lui. Au lieu d’avoir les pays de l’Afrique du nord comme un voisin encombrant, instable, pauvre, menaçant, il peut les avoir comme des pays développés, libérés et cela ne pourra qu’être bénéfique pour lui. Dans le cas contraire, toute maladie, tout malaise qui toucherait ces pays touchera l’occident, car nous sommes aux frontières de ce même Occident. Un élément important également, il faut que l’Occident sache que l’un des maux principaux dont souffrent ces pays est celui de l’identité. Ces territoires sont berbères, amazighs, qui n’ont rien à voir avec l’identité arabe. Nous sommes plus proche naturellement, géographiquement, historiquement de l’Europe, de la méditerranée et de l’Afrique, que du Moyen Orient ou de la péninsule arabique.

Il est stupide et dangereux d’accepter à ce que la religion supplante l’identité. L’islam n’est pas une identité, mais une religion qui doit être exercée agréablement dans le cadre des libertés individuelles et de liberté de conscience. Il est aberrant de voir dans les constitutions de ces républiques bananières que l’islam est la religion de l’État. C’est une insulte  à l’intelligence, le fait d’attribuer à l’État une religion. Cela évidemment ne relève pas de l’ignorance, mais d’un complot de longue date qui consiste à mater les populations de ces régions par l’instrumentalisation de la religion. Comme disait Mouloud Mammeri, c’est « l’opium et le bâton ». Mais ce chaos politique ne va pas perdurer. Avec l’arrivée des nouvelles technologies d’information et de communication, chaque individu vit en ce moment des révolutions dans sa tête. Nous sommes dans une période de chocs de civilisations, où la liberté sans limites garantie par les nouvelles technologies est en train de mettre à nu,  d’anéantir agréablement des siècles d’obscurantisme, de manipulation, d’asservissement et de destruction au nom de la religion.

Nous devons du respect à l’arabe et l’islam, mais dès qu’ils sont politisés ils deviennent de l’arabisme et de l’islamisme et il est de notre devoir de les combattre frontalement par tous les moyens possibles, car c’est prouvé un million de fois qu’ils sont un cancer politique.

Ce livre est écrit par un kabyle, qui a vécu en Algérie et il s’adresse à l’Occident et presque au monde entier. En lisant ce livre peut être que les hommes politiques, ceux qui ont le pouvoir dans ce monde prendront conscience de la réalité, vont m’écouter en tant que témoin et vont apprendre à nous écouter et à prendre en considération notre voix, notre cri de détresse, nos souffrances et nos suggestions.

Vous parlez également du mouvement national algérien et de la crise berbériste de 1949. Est-ce qu’on peut dire que l’islamisme est finalement intrinsèque à la construction même de la nation algérienne. Ce n’est pas un phénomène des années 90 uniquement ?

Comme souligné, j’ai consacré plus d’une centaine de page à l’Algérie. Même dans les autres chapitres, j’ouvre souvent des parenthèses pour revenir au cas Algérie, car il est un triste exemple duquel nous pouvons tirer beaucoup de conclusions.

La partie consacrée à l’Algérie débute par des scènes réelles d’opérations de prosélytisme, de propagandes acharnées dans un village de Kabylie menée par les islamistes.

Ils se sont scindés en deux catégories. Certains sont au maquis et tentaient toujours de conquérir le pouvoir par les armes, d’autres se déguisent en pèlerins, en pieux, descendent dans les rues, les villages, les quartiers pour tenter de faire rallier des gens à leur cause. Dans la tête d’un islamiste, s’il existe un logiciel, c’est celui d’une idée révolutionnaire, basée sur l’instrumentalisation de la religion.

Puis dans cette partie, un voyage dans la France coloniale qui a sa responsabilité d’avoir fait de mauvais choix et au détriment de la vraie identité en Algérie. Puis c’est une petite genèse que le lecteur découvrira dans les moindres détails : comment l’islam politique a infesté la société algérienne depuis 1903, en passant par 1931, la création de l’étoile nord-africaine, la crise berbériste de 1949, la guerre d’Algérie, la confiscation de l’indépendance, les premiers noyaux de l’islam politique après l’indépendance, dont l’un des acteurs était un marocain, proche du président Ben Bella, puis la charte nationale de 1976 qui a ouvert toutes les portes pour l’islamisation forcée et l’arabisation massive de l’Algérie. Puis les fruits amers avec une guerre civile impitoyable et le récit se poursuit jusqu’à décembre 2019 avec la désignation de Tebboune comme chef de l’État à travers une élection de complaisance. Et comme cerise sur le gâteau, la première félicitation et reconnaissance viendra d’Al Sissi, le nouveau dictateur de l’Égypte. Oui,  l’Égypte, ce pays cauchemar qui colle telle une malédiction contre l’Algérie.

Vous avez évoqué le déjeuner républicain du mois de Ramadan de 2013 où des citoyens ont mangé en public et en plein jeûne à Tizi Ouzou. Pourquoi cet événement a retenu votre attention ?

Oui. J’ai consacré plusieurs page à cet évènement qui n’a jamais eu lieu avant dans un pays musulman, où la pratique des dogmes de l’islam est presque obligatoire même dans ces dictatures qui affichent une façade civile et soit disant moderne.

En fait j’étais très près des faits. Dans cet évènement, j’ai raconté ce qui s’est passé avant et ayant conduit à cette manifestation, cet acte politique historique qui a fait le tour du monde. Le responsable ayant été indirectement responsable de cet incident d’inquisition était en discussion avec moi. J’ai tenté de le dissuader de ne pas faire de descente pour tenter de réprimer ou intimider les non pratiquants du ramadan car cela relève des libertés individuelles.

Vous parlez également de la Kabylie qui se bat contre l’islamisme et qui s’en inquiète aussi. Comment peut-elle y remédier ?

La Kabylie ne se bat pas uniquement contre l’islamisme. Elle est une île, une citadelle mondiale de lutte contre l’islamisme. Sans la Kabylie, je pense que tous les pays de l’Afrique du Nord sombreront dans un État islamique moyenâgeux.

En 2013, le dernier documentaire que j’ai réalisé et consacré aux villes de Kabylie était celui consacré à Azazga auquel j’ai donné le titre « Azazga au cœur de la Kabylie ». Donc, je dirais que pour l’islamisme, la Kabylie est au cœur du monde de la lutte contre l’islamisme.

D’ailleurs dans ce livre je ne cesse de me référer à la Kabylie. Dans le cas où ce livre aura droit à un grand succès, n’importe quel lecteur du monde découvrira que la Kabylie est une région de valeur, en avance sur son temps, résiste aux premières lignes, seule face à tous. Elle mène à cœur défendant un double combat, contre le système et contre l’idéologie arabo-islamiste.

Le poids de la Kabylie est important en Algérie et au-delà. Pour l’Algérie, la preuve qu’elle ne représente à peine 20 % de la population, mais les manipulateurs, les haineux, les envieux se plaignent de la Kabylie.

Ils ne cessent de la stigmatiser. Dans un de ses livres, Mouloud Mammeri rapportait cette anecdote où une personne fait tomber une autre à terre. Puis l’un d’eux criait « Ay At Laradh » (au secours). Le plus intrigant est que ce n’est pas celui qui est à terre qui criait au secours, mais c’était l’autre.

La Kabylie est forte, en dépit de  la petitesse de sa superficie, le petit nombre de ses habitants. Elle s’est imposée comme une force de proposition, un pôle politique incontournable. Cette grandeur, la Kabylie la puise dans ses valeurs, sa conscientisation et dans sa compréhension, mieux que quiconque, du mal qui ravage les pays de l’Afrique du Nord, à savoir l’arabisme et l’islamisme qui est maintenant en train de tenter d’envahir et de dominer le monde. S’il y a une région qui peut éclairer le monde, donner des leçons, formuler des suggestions, c’est bien la Kabylie. S’il existe une personne du monde à la hauteur d’exposer, d’expliquer, de décortiquer ce mal politique devenu planétaire, c’est bien un kabyle car nous sommes les plus grandes victimes, et heureusement, nous en sommes conscients et nous résistons toujours.

D’ailleurs je souhaite que chaque kabyle lise ce livre. Ce n’est pas pour des raisons commerciales, mais pour l’importance de son contenu, pour la prise de conscience pour ceux qui ne l’ont pas et pour renforcer cette même prise de conscience pour ceux qui l’ont déjà.

Si j’avais les moyens, j’aurais distribué gratuitement ce livre pour chacun de nous. Je me fixe avant tout sur la Kabylie, ce n’est pas par régionalisme ou égoïsme primaire, mais par logique des choses. Le bien, il faut le répandre partout, mais d’abord chez soi. Mais également, renforcer la Kabylie, c’est donner plus de chance aux autres de gagner face à cette nébuleuse archaïque et machiavélique qui veut dominer le monde.

Puis, toujours dans cette lancée, nous avons prévu la traduction de ce livre en Tamazight. Le projet sera finalisé avant la fin de l’année. Je remercie de passage nos amis du Canada qui ont garanti l’indemnité pour celui ou ceux à qui cette traduction sera confiée. Nous sommes agréablement surpris. Beaucoup de personnes ont répondu avec enthousiasme à notre appel d’offre pour assurer cette traduction. Ils sentent que c’est leur livre aussi et ils veulent s’impliquer sans même demander au préalable s’il y aurait indemnité ou pas.

Et puis ce projet ce scinde en deux partie, après la traduction, il sera lu en kabyle. Nous aurions ce livre de plus de 400 pages dans un fichier audio de près de 15 heures de lectures. Donc celui qui va acheter ce livre dans sa version kabyle, verra qu’il y a un CD qui va l’accompagner. Ainsi le contenu du livre ne se limitera pas uniquement aux gens lettrés, mais aussi les personnes illettrées. Donc nos pères et nos mères auront cette chance de connaître ce contenu.

Beaucoup découvriront que ces forces politiques maléfiques venues d’Égypte et de tout l’orient arabiste ne nous ont pas uniquement confisqué noter révolution, notre culture, notre identité, mais aussi notre islam adapté dont ils étaient jaloux. Ils découvriront dans ce livre l’histoire d’une feuille de route qui était un document auquel ils ont donné le nom Al Rissala. Celui-ci a été rédigé dans le seul but de détruire l’islam traditionnel algérien, tolérant, rayonnant, dépolitisé, désintéressé, ouvert et qui était sous l’influence des kabyles. Un islam traditionnel qui a été la cible principale de cet islam politique destructeur et obscurantiste.

Des acteurs politiques Kabyles appellent à la vigilance contre Rachad qui, selon eux, travaille à islamiser la Kabylie. Votre avis ?

J’étais parmi les premiers à monter au créneau la veille des manifestations du 22 février 2019, pour attirer l’attention sur un détail important : le fait qu’on fasse circuler l’information selon laquelle les manifestations vont commencer après la grande prière du vendredi.

Tout en rappelant que c’était la Kabylie qui a enclenché ce mouvement, appelé injustement le « Hirak », et ce depuis la ville rebelle qui est Kherrata.

Des gens se sont livrés à des critiques contre moi et voulaient même me taxer de partisan du système.

J’ai vu d’un très mauvais œil le fait de lier directement ou indirectement un mouvement politique qui réclame la rupture avec ce système à des considérations idéologiques.

J’étais parmi les rares personnes  à avoir envoyé une lettre ouverte à Mohamed Larbi Zitout il y a 15 mois dans laquelle je tentais de lui expliquer que nous sommes conscients des manipulations, des embuscades et toutes les autres manœuvres qui se trament autour de ce mouvement. Évoquer la Turquie d’Erdogan comme nouvelle Mecque des islamistes n’est pas innocent. Erdogan est un islamiste très dangereux, un mégalomane, un opportuniste qui surfe sur la vague et la force de gravité de la nébuleuse des Frères musulmans pour tenter de reconstruire l’empire ottoman disparu. Je dis ça car Zitout dans ses vidéos et à l’instar de autres islamistes utilisent la carte Erdogan pour mieux tromper, pour vendre la même marchandise que celle vendue durant les années 90, mais cette fois-ci avec un nouvel emballage et de nouveaux présentoirs installés dans leur marché politique.

Puis j’ai assisté à la manifestation des algériens à Bruxelles au mois de décembre dernier devant le parlement européen. J’étais là en tant que journaliste, mais aussi en tant que manifestant. Là, j’ai vu comment se comportaient les gens de Rachad. Il y a  eu des heurts, des actes de violences avant le début de la marche et à la fin de la marche devant le parlement Européen. Même leurs femmes se montraient hystériques et vulgaires. De ces petites scènes dont j’étais témoin,  j’ai vu de près le visage, l’avidité, les intentions de ce courant islamiste qui veut infiltrer le mouvement. La démocratisation en Algérie ne les intéresse pas, ils veulent juste utiliser cette force pour s’emparer du pouvoir et instaurer un régime théocratique dans le cadre de leur plan international.

J’ai eu également à assister à des émissions en direct sur la chaîne Al Magharibia durant le deuxième semestre de l’année 2019. Au début j’ai hésité, mais j’ai fini par accepter. C’était dans un moment important dans la vie du mouvement. J’ai senti le devoir et la nécessité de participer et être parmi ceux qui vont parler aux algériens, leurs inspirer force et espoir, les aider à surmonter la peur face à la force du rouleau compresseur de ce fameux Gaid Salah et son clan.

Je ne regrette pas mes participations. Je me suis même accroché dans des directs sur des sujets qui fâchent, à l’exemple de ceux qui veulent faire croire que l’arrêt du processus électorale en 1992 était un coup d’État, alors qu’il était une nécessité absolue. Ou encore ceux qui veulent nous tromper par la demande d’un État civil et non militaire, sans préciser encore, qu’il doit être non islamiste. Mais j’étais loin d’être naïf. Je tentais de comprendre de près. L’on se demande comment une télévision peut tenir le coup depuis des années avec des charges qui se chiffrent en centaines de milliers d’euros sans faire rentrer un seul centime par la voie de la publicité ou autre moyen de gestion économique d’une entreprise. Je suis journaliste et réalisateur et je sais comment fonctionne ce monde.

Donc les liens ont été vite établis avec tous les points de ce monde. Je vous le dis, je suis loin d’être naïf. Donc c’est depuis le début de cette année que je publie de temps à autre des réflexions et des avertissements sur le risque islamiste et son embuscade. Certains me contactent même en privé pour me supplier de cesser de parler de ce risque, arguant que ce n’est pas le moment et que je risque d’être taxé de travailler pour la division du mouvement et au profit du système.

Mais le mal est de plus en plus visible. On ne peut plus se voiler la face. Nous souffrons d’un double problème. Nous faisons face à un monstre à double tête. Donc le combat doit être double ou rien.

Et depuis le mois de juin dernier, enfin d’autres brisent le silence et dénoncent ce piège politique tendu sous les pieds des marcheurs sincères et souffrant de ce système abject.

Donc, en résumé Rachad est une franchise liée à l’organisation internationale des Frères musulmans, tout comme l’était l’ex FIS, et les autres partis islamistes en Algérie et dans les autres pays de l’Afrique du Nord.

Mon livre parle suffisamment de cela. Ce ne sont pas des lectures simples et sommaires, mais une démonstration par des noms, des dates et des lieux.

Enfin je vous remercie de m’avoir accordé cet espace d’expression. Je souhaite longue vie à votre journal que je trouve prometteur.

Je conseille à tous les kabyles, à tous les hommes et femmes libres de lire ce livre, car son contenu est important. En plus des pétrodollars, des réseaux, de l’instrumentalisation de la religion, parmi les armes par lesquelles cette mouvance islamiste se maintient et progresse, il y a les théories élaborées et matérialisées en livres  par ses responsables, dont Hassan Al Banna, Essayed Qotb, Aba Ahmed Al Ghazali, Al Qaradhaoui, Mohamed Sallabi.

A nous d’établir des contre-théories, pour détruire leur faux mythes, les mettre à nu et les dénoncer haut et fort. Je pense humblement que mon livre peut jouer suffisamment ce rôle.

Propos recueillis par Muyyud

Mourad Hammami
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