Portrait du Franco-kabyle nostalgique et aux préoccupations algériennes, par Romain Caesar

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Il vit en France. Il a la double nationalité. Il vote au consulat d’Algérie pour les « démocrates » et en France pour les socialistes, c’est-à-dire pour ses intérêts. Il a des enfants qui portent des prénoms berbères. Il leur parle en kabyle à la maison. Il les a inscrit au conservatoire de musique et aux cours de berbère. Il aime Idir, comme un Français, histoire de se donner un peu de hauteur et de se détacher du tas d’immigrés de chez lui.

De temps en temps, il organise des soirées dans son jardin. Il fait un bon couscous arrosé de vin. Il adore être entouré de Kabyles qui connaissent les histoires du village, histoire de rire un peu. Cela lui rappelle sa grand-mère et sa tendre enfance villageoise. Puis profitant de l’occasion, il leur fait visiter sa maison et leur montrer sa belle intégration.

Il vit confortablement. Il a une bonne place. Il paye ses impôts avec joie. Il est bien intégré. Il encourage moralement les bonnes idées de projets comme la construction des maisons de jeunes en Kabylie. Il consacre même un peu de son temps à la culture berbère : aller voir le grand concert du 20 avril et rendre hommage à Matoub chaque fin juin.

C’est sa façon de participer à la lutte pour la démocratie et à la culture berbère en Algérie. Il est pour la liberté et l’indépendance de tous les peuples et bien sûr pour les droits culturels des siens.

Tout effort dépassant ce cadre est considéré par lui comme extrémiste. Pour lui l’Algérie est en voie de démocratisation et bientôt elle retrouvera ses racines, son histoire, son identité et sa culture.

Il partage certes tous les constats alarmants concernant la Kabylie, mais il refuse toutes les solutions. Deux choses le préoccupent : l’avenir de l’Algérie qui refuse d’arriver et le passé de la Kabylie de son enfance qui passe très vite.

Il va aux conférences, pose des questions, cherche des solutions pour aider l’Algérie à accéder à la démocratie. Puis en marge de ces conférences, pendant la récréation, il cherche des Kabyles pour parler des chansons et des traditions de 19zik-nni.

Il imite les intellectuels français en tout, il défend l’Islam et les Arabes, enfin ce qu’il prétend combattre en Algérie. Il parle des lois et de tolérance, de laïcité et de droit de culte… il répète le discours officiel de la bien-pensance française. Il pratique le politiquement correct de la petite bourgeoisie parisienne. Il trouve même le mot « Kabyle » un peu excessif, il lui préfère plutôt le mot « amazigh » qui signifie homme libre…

Romain Caesar, Écrivain

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