Idir, je te décrirai toujours avec les mêmes mots que le jour de ton départ et du quarantième jour de ce dernier : Idir, heureux de t’avoir connu !
Je ne me contenterai pas pour ton anniversaire de naissance de souhaiter « Paix à ton âme » comme pour m’acquitter d’une formalité. Aussi, je ne saurais te saluer sans relater humblement l’image que j’en retiens et que je me fais le devoir de transmettre aux générations montantes :
De tempérament calme et d’humeur stable sans se tapir dans le mutisme, il détend l’atmosphère… Selon le contexte, il fredonne, tambourine ou sifflote sans déranger. La mélodie circule dans ses veines. Il esquisse un sourire pour t’inviter à parler. Il écoute religieusement. Idir ne t’interrompt que s’il a besoin d’une explication ou de mieux entendre. Il donne son avis avec politesse et beaucoup d’égards. Cependant, il ne tergiverse pas. Ses réponses sont directes et ne souffrent jamais d’ambiguïté.
Pour tous ces traits qui font ton comportement, j’ose te qualifier, à juste titre, de force tranquille qui a su avec brio transmette le message de Jugurtha sans haine, sans dégâts mais surtout sans effusion de sang. A vrai dire, tu as prêté ta voix aux souhaits de nos visionnaires que furent Md Cherif Sahli, Jean et Tawes Amrouche, Mouloud Ferraoun et Mammeri, Benmohamed, Muhia, Belhanafi, Meziane Rachid, Kezzar et tant d’autres…
Ta formule magique a défié même le paradoxe : « faire du neuf avec du vieux ! ». Quelle formule pédagogique que de ressusciter notre patrimoine en combinant des contes millénaires à des mélodies aussi anciennes.
Et depuis, tu t’es déteint sur plusieurs générations d’artistes et de chercheurs dans divers domaines de la littérature, de l’histoire, de l’anthropologie et autres. Tu fus incontestablement le promoteur de la chanson kabyle en Algérie même et l’ambassadeur de celle-ci à l’internationale. Tu as eu la chance d’assister à la floraison de tes plants. Remercions l’existence !
Tu ne t’es jamais dérobé face aux questions essentielles et tes réponses ne furent que vérités et sagesses assumant dignement et fièrement toutes les dimensions de ton identité et de ton être. Tu avais le souci de l’efficacité et de l’évolution intelligente ; la sérénité et la lucidité ont primé là où tes semblables auraient opté pour des slogans inflammatoires, l’animosité et la fuite en avant.
Ta vitalité nous laissait soupçonner encore des attentes légitimes mais le destin a décidé autrement. L’évidence s’est finalement manifestée pour nous laisser perplexes et impuissants. La source intarissable est aspirée par le néant. Tu es parti aussi discrètement et humblement que tu as vécu. Tu as marqué les tiens de ton génie, tu occuperas pour l’éternité la place qui est la tienne.
Géologue de formation et artiste dans l’âme, il a toujours préféré passer inaperçu en dehors de ses prestations sur scène. Il fut autant rationnel que sensible. Loin de l’excentricité que l’on connait à certains artistes, il évoluait dans la discrétion parfaite tant dans sa vie privée que publique. Il évitait tous les extrémismes et affichait une sérénité à toute épreuve. Tout en demeurant fidèle à son engagement dans le combat identitaire dont il fut l’un des pionniers (du moins parmi les personnages médiatisés), il s’exprimait sans animosité mais plutôt avec une grande positivité qui permettait d’évoluer intelligemment et efficacement.
Ses interventions étaient concises, claires, brèves et toujours porteuses d’espoir. Il rassurait plutôt que de faire paniquer les siens en semant le désespoir à perdre la raison et tout réalisme. Il n’affichait aucun acharnement : ce qui était de la lucidité et non de la froideur ou un manque de courage. Il ne connaissait pas la véhémence. Il ne cherchait pas à enflammer les jeunes mais à leur insuffler un grain de sagesse.
Il préférait la lucidité à l’hystérie générale qu’il pouvait provoquer en s’abandonnant à la facilité. Il soignait son langage ou ce fut plutôt sa nature : la retenue fut la principale caractéristique qui faisait sa grandeur d’âme.
Ceci dit, je ne prétends pas décrire Idir en quelques lignes, mais livrer à chaud la saine image que je garde de lui en évitant toute exagération qui pourrait justement l’incommoder.
Enfin, sa discrétion et son humilité font l’unanimité. Miracle ou coïncidence, la conjoncture planétaire a décidé qu’il parte aussi discrètement qu’il a vécu… Et j’ose croire fermement que c’est ce qu’il aurait souhaité.
Qu’il repose en paix en demeurant un modèle !
Lhacène Ziani,
Poète et parolier