Âgé de seulement 27 ans, Yacine Brinis est l’un des rares Character Designer en Kabylie et en Algérie. Son art, c’est l’image de synthèse. Ayant quitté l’école à l’âge de 17 ans, cet autodidacte chevronné s’est formé tout seul dans le domaine de la conception 3D pour finir par travailler avec de grandes sociétés internationales.
Plus précisément, Yacine Brinis se spécialise dans la conception de personnages et créatures issus de films cinéma, de films d’animation et de jeux vidéo. Ses conceptions sont destinées à produire des objets de collection.
Le jeune prodige a conçu plusieurs statues et figurines comme BumbleBee, Terminator Genesis, Tarzan, Angry Birds, Warhammer, Valiant Comics, Bloodshot, Ninjack et Batman. Une fois produites, ces œuvres peuvent avoir plusieurs tailles, allant de quelques centimètres à plusieurs mètres.
En effet, celle de BumbleBee fait 7m de hauteur et la tête seule fait 80 cm. On peut la voir sur la photo ci-dessous, derrière les acteurs John Cena et Hailee Steinfeld, notamment.
De Sidi Aïch à Hongkong
Si son bureau est à son dmoicile à Sidi Aïch, l’artiste se rend souvent en Chine et Hongkong pour son travail. Généralement, ce sont des sociétés européennes et américaines qui effectuent des commandes de figurines. Pour l’impression 3D et la production, ce sont des sociétés basées en Chine et au Japon qui s’en chargent. Ses conceptions sont commandées par des sociétés de renommée internationale, notamment Paramount Pictures, Skydance, Warhammer, Rovio Entertainment, Valiant Comics et Discovery.
Les étapes d’une conception
Pour ses conceptions, ce designer 2.0 travaille avec Zbrush, un logiciel de sculpture numérique combinant la modélisation 3D / 2.5D, la texturation et la peinture.
Yacine reçoit des références de la compagnie sur lesquelles il va s’appuyer pour imaginer une conception du personnage, son anatomie, sa position, l’expression de son visage, ses habits, ses accessoires. Des éléments qui peuvent évoluer selon l’appréciation de la compagnie.
Une fois que le modèle conçu par Yacine a été validé, d’autres intervenants réalisent un moulage, en chine généralement, qui sera transmis à des unités industrielles afin de produire la figurine ou la statue en grandes quantités. Vient par la suite la phase de peinture, d’emballage et de distribution partout dans le monde, notamment au Japon, aux USA, au Canada, au Royaume-Uni et dans différents pays de l’Europe. Les figurines commercialisées par des compagnies comme Sideshow collectibles à los Angeles, Hot toys a Hong kong, ou bien Prime One, peuvent avoir des prix très variés, selon leurs dimensions notamment, allant de quelques centimes à plus d’un millier de dollars.
Les débuts et les difficultés
« Le domaine numérique est prometteur pour les jeunes […] Il faut juste travailler dur, avoir de la patience et de la courtoisie », avait-il conseillé. Il a par ailleurs assuré que c’est un domaine rentable et dont le revenu devient de plus en plus important au fil des années. Pour y arriver, Yacine a néanmoins rencontré des obstacles.
Passionnée d’art, de dessin et de peinture, il réalise plusieurs dessins alors qu’il n’avait que 6 ans. Arrivé à l’école moyenne, il commencera à s’intéresser au dessin 3D : « le dessin et la peinture traditionnels ne font pas gagner d’argent en Algérie, alors je me suis lancé dans la 3D en 2011, mais j’ai commencé à faire des conceptions 3D à un jeune âge, au CEM (collège) ».
Toutefois, il a confié qu’il souhaitait effectuer des études en astronomie, mais que ses aspirations ont très vite sombré après avoir constaté l’incompétence de l’école algérienne et a pointé du doigt le caractère islamiste de cette dernière : « Quand j’étais petit, j’ai voulu faire astronomie, mais en raison de la langue arabe et l’éducation islamique, j’ai choisi de quitter en 1ère Année Lycée », a-t-il confié. Après avoir quitté l’école à l’âge de 17 ans, il part rejoindre l’école des Beaux Arts de Mostaganem où il se spécialise dans le design d’intérieur. Ayant eu peu d’opportunités à l’époque, il travaillera comme manœuvre entre 2015 et 2016 avant de décrocher un travail chez une société anglaise comme Designer 3D. C’est dans cette société qu’il travaille à ce jour.
Cela dit, Yacine Brinis a dû se former tout seul : « En Algérie, il n’y a pas d’école pour étudier l’image de synthèse en 3D, l’animation et les Jeux vidéo 3D. J’ai appris l’anglais et puis j’ai appris tout seul le reste. J’ai eu une opportunité pour faire un Master en France, mais c’est très couteux une école privé, plus de 30 000 euros ! », a-t-il précisé.
Yacine Brinis a, par ailleurs, de nombreux obstacles pour lancer sa carrière d’artiste en Algérie : « Je travaille qu’avec les étrangers car chez nous ça ne marche pas en raison des tabous et de la religion », a-t-il regretté. Il avait aussi relaté une triste histoire survenue lors d’une exposition de peinture dans un centre culturel à Bgayet{Bejaia} en 2015. : « après avoir exposé mes travaux, dont quelques tableaux sur le thème du nu, la directrice m’a interdit de les exposer […] A cette époque, j’étais étudiant en 4ème année aux Beaux Arts de Mostaganem, ma dernière année […] La directrice m’a dit que c’était haram et qu’on est un pays musulman et que je ne pouvais pas faire ça », a-t-il témoigné.
Yacine Brinis a par ailleurs tenu à prévenir contre une quelconque tentative de récupération : « les Algériens pensent toujours à l’islam, et puis ils vont dire que c’est un designer musulman et tout le blabla […] Je m’intéresse à la science, la biologie, l’évolution de Charles Darwin et le Cosmos et non pas à des personnages de fictions comme Allah, Jesus, Thor, Zeus ou bien hercule qui vivent dans le ciel », a-t-il tenu à mettre au point.
L’ambition de Yacine Brinis ne s’arrête pas la : « J’espère travailler dans de plus grands projets en particulier dans les Grandes sociétés comme DC et Marvel dans le futur », a-t-il conclu.