La Kabylie a été ébranlée en ce 5 novembre 2020 en apprenant le décès de Nna Aldjia, la mère de Matoub Lounès. Des chanteurs et artistes, des sportifs ainsi que des militants et des hommes politiques ont tenu à exprimer leur émotion et rendre hommage à cette femme qui est restée digne et aura milité pour la vérité sur l’assassinat de son fils jusqu’au bout.
« Nna Alǧiya tasa yezzan,taεbbuṭ yeṛɣan, kemm d amedya n tebɣest…Sgunfu di talwit », a écrit Zedek Mouloud, quelques minutes seulement après l’annonce du décès de Nna Aldjia. Il a accompagné ce texte, qui souligne le courage d’une mère qui a vécu l’assassinat de son fils, d’une photo qu’il a récemment prise avec la défunte et dans laquelle on voit cette dernière faire le signe de la victoire.
Ferhat Mehenni a quant à lui réagi dans un communiqué, dans le quel il a exprimé son chagrin : « Nna Aldjia, la mère du Rebelle, qui tenait tant à la vie pour qu’avec la sienne, elle prolonge celle de Lounes, vient de nous laisser orphelins. La terrible nouvelle est pourtant authentique même si j’ai du mal à l’admettre », a-t-il écrit avant de revenir sur sa dernière rencontre avec elle et de lui rendre un hommage appuyé : « Ses chants et sa voix extraordinaire emportaient les foules et faisaient revivre son fils. Humble et généreuse, consciente et courageuse, elle était estimée et adorée par toute la Kabylie »
Par ailleurs, le Président de l’Anavad a appelé « tout le monde à lui rendre l’hommage populaire qu’elle mérite », lors de ses obsèques qui auront lieu à Taourirt Moussa, avant de préciser : « J’espère que la décence et le deuil du peuple kabyle ne soient pas abîmés par les tentations de récupération par la mafia coloniale du dernier voyage de cette femme qui avait donné naissance à un géant de la taille de Matoub Lounès ».
« je ne trouve plus les mots, une femme qui a vu son mari partir et une maman qui a vu son fils s’en aller à la fleur de l’âge. Une femme Kabyle des plus courageuses sur terre », a réagi le chanteur Tako avant de s’adresser directement à la mère de Lounes : « Ruh di laman a Nna Aldjia, ad kem-irhem rebbi. Il est temps de rejoindre les tiens la haut, au paradis ».
Le militant de la cause Kabyle et ancien Président du MAK, Bouaziz Ait Chebib, a quant à lui tenu des mots dans la langue des ancêtres pour évoquer le courage de cette grande dame mais aussi son aisance dans le verbe et le chant : « Tedder s yiseɣ d lqed yezdin. Werǧǧin tekni sdat tlufa xas akken macci d yiwen lḥif i iεeddn fell-as. Tleqqem awal n Teqbaylit. Tecna-t s taɣect n tjaddit. Teǧǧa-t-id d agerruj i tsutwin i d-iteddun ».
« Les mots me manquent et mon émotion et grande », a écrit la co-présidente du CMA, Kamira Nait Sid, après avoir rendu hommage à Nna Aldjia : « D adrar n ṣver, terna ɣer mmis lwenas ». Elle a accompagné son texte d’une photo où on la voit en compagnie de Nna Aldjia dans son fauteuil roulant.
La chanteuse Lifa Hennad a également eu des mots poignants : « tu as tellement souffert pour l’absence de ton fils unique. Que Dieu vous réunisse dans un monde meilleur. Repose en paix la maman de la Kabylie », a-t-elle écrit, joignant une photo où on la voit émue en compagnie de Nna Aldjia.
Le caricaturiste Ghilas Aïnouche a également publié une photo en compagnie de la mère du Rebelle : « Aujourd’hui, une grande dame vient de quitter ce bas monde », a-t-il notamment écrit.
L’animatrice radio, militante kabyle et élue à la mairie de Champigny-sur-Marne (Ile-de-France), Sabrina Abciche, a quant à elle rappelé les accomplissements de la mère du rebelle. « Elle a enfanté celui qui a combattu jusqu’à son dernier souffle les injustices et qui a prôné la liberté sous toutes ses formes […] Elle a inspiré un des plus grands poètes et chanteurs de tous les temps. Elle a permis à la Kabylie d’être fière, forte, belle et rebelle » a-t-elle rappelé. Et de conclure : « Ce soir, Na Aldjia, la mère de Matoub Lounes, a rejoint celui qu’elle aimait par dessous tout. Et ensemble, ils pourront chanter parmi les étoiles et veiller sur la Kabylie ».
« Azul au Rebelle ! Nna Aldjia Matoub mère du Rebelle Matoub Lounes..est partie rejoindre son fils dans l’autre monde… Nna Aldjia est une dame faite de contes, de poésie, de courage et de fidélité.. Une prière pour elle. Ad fell-as ya3fu Rebbi » a posté l’écrivain d’expression française et natif de Tlemcen Amin Zaoui
L’artiste allemande Uli Rohde, très populaire chez le public Kabyle a livré un témoignage émouvant de ses deux rencontres avec la mère de Matoub Lounes. Leur première rencontre a eu lieu en 2017 à Taourirt N Moussa (Ath Dwal) : « Le moment passé chez toi était très émouvant. Et on s’est regardé dans les yeux et je t’avais promis que je ferais tout pour qu’on n’oublie pas ton fils, que on fera tout pour que son nom sera connu dans l’occident » se souvient-elle.
Uli Rohde s’est également rappelée de sa seconde rencontre avec Nna Aldjia. « Un jour Tayeb Iqouvach m’a cherché pour me ramener chez toi à l’hôpital à Paris… Grace à lui on s’est revue et je lui remercie infiniment pour ça. On a chanté ensemble, tu nous as fait rire et pleurer avec tes textes improvisés… Toi, la grande poétesse » a-t-elle témoigné.
L’ethnopsychiatre et militant de la cause identitaire Hamid Salmi reconnaît en Nna Aldjia « une femme d’un courage et d’une abnégation hors du commun ».
L’écrivain Allas Di Tlelli a, dans une texte titre « Nna Aldjia, enfin le repos du juste« , a parle d’une « mère emblématique du peuple kabyle et de Lounès ; ce Dieu mythique qui ne cessera jamais d’être vivant dans l’esprit de chaque Kabyle qui naît« . Et de poursuivre : « Ainsi, il est des êtres qui, en tirant leur révérence, transcendent tout, y compris le deuil, les mots, les contemporains, les couacs et le temps. Nna Aldjia est de ceux-là« , a écrit l’auteur de « Katia Bengana, la lycéenne qui a nargué l’islamisme« .
