Décès de Ali Yahia Abdennour : bref retour sur son long parcours

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Ali Yahia Abdenour est un homme politique, avocat et militant des droits de l’homme kabyle, né le 18 janvier 1921 dans le village Lemkherda de la commune d’Ait Yahia.

Sa famille s’étant installée à Michelet, ses parents le font rentrer à l’école de Tizi Ouzou où il suit des études primaires. Il continue ses études secondaires à Médea, puis exerce la fonction d’instituteur à Khemis Miliana, où il commencera ses premiers pas en politique suite à sa rencontre avec Si M’hammed Bougara.

Nous revenons ici, très brièvement, sur quelques éléments de son parcours. Pour comprendre le pourquoi du comment de chacun de ces éléments, il y aurait sans doute de quoi écrire des livres.

Engagement d’Ali Yahia Abdennour pendant la guerre

A l’époque de l’Algérie Française, Ali Yehia Abdernour rejoint le PPA-MLTD (Parti du Peuple Algérien-Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques), présidé par Messali Lhadj, en 1945. Suite à la divergence sur la dimension identitaire que le PPA souhaitait donner à l’Algérie, Ali Yahia Abdennour quitte l’organisation 4 ans plus tard, suite à la crise berbériste de 1949.

Une année avant sa condamnation, l’orientation de cet homme commence alors à se faire claire. Il rejoint le secteur syndicaliste en devenant un des acteurs principaux du syndicalisme des instituteurs en 1956. Il s’est d’ailleurs rallié, une année avant, aux cotés du FLN en représentant le « défenseur d’une responsabilité autonome » de l’organisation. En 1957, il sera arrêté et assigné à résidence pendant 3 ans.

Une fois libéré en 1961, Ali Yahia Abdennour reprend directement ses activités et rejoint l’UGTA où il sera élu secrétaire général. Le parti étant restitué à Tunis, Ali Yahia Abdennour se donnera comme mission de le réimplanter à Alger à l’indépendance.

Sous le régime de Boumediene

En 1963, il sera élu député à Tizi Ouzou puis rejoindra la rébellion de Hocine Ait Ahmed en 1963 avant de changer de position. Entre 1965 et 1968, le syndicaliste et homme politique exerce sous le gouvernement de Houari Boumediene en tant que ministre des Travaux publics et des Transports, puis ministre de l’Agriculture et de la Réforme agraire.

Après avoir travaillé en tant qu’instituteur, fait une carrière dans le syndicalisme et en politique, Ali Yahia Abdennour effectue des études en droits à Alger et ouvrira son cabinet dans la même ville pour exercer en tant qu’avocat. Suite à ses prises de positions et à ses orientation politiques qui divergeaient avec le FLN, il sera emprisonné en 1983 pour être libéré une année plus tard.

« Nous défendons l’homme et non pas le projet politique ou idéologique »

En 1984, l’avocat crée, avec ses compagnons Said Sadi, Arezki Ait Larbi et Ferhat Mehenni, la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH) qui n’a pu voir le jour que 5 ans plus tard à cause de nombreux obstacles posés par le pouvoir algérien.

En 1992, Ali Yahia adhère à la continuité du processus électoral de 1992 et sera largement critiqué pour ses positions en faveur des droits des membres du Parti du FIS qui subissaient des tortures de la part des services algériens. En effet, pour le défenseur des droits de l’homme, « il défend l’homme et non pas le projet politique ou idéologique ».

En 1995, il fut l’un des principaux artisans de la plateforme de Sant’Egidio qui regroupe plusieurs partis d’opposition dont le FFS, l’UGTA et autres partis qui sont au cœur des événement des années 90 comme le FIS. La plateforme avait comme but de retrouver une solution politique et pacifique à la crise de l’époque. Malheureusement, celle-ci ne débouchera vers aucune amélioration ni alternative.

Contre le pouvoir de Bouteflika

En 2011, il répond à l’appel de la Coordination Nationale pour le Changement et la Démocratie (CNCD) qui regroupe plusieurs organisations syndicales, partis politiques et la LADDH et anime une conférence en janvier 2011 où il met à débat les dangers de l’entêtement du pouvoir en place.

En octobre 2017, Ali Yahia se rallie aux cotés de Ahmed Taleb Ibrahimi et Rachid Benyelles qui appellent à déclarer l’état d’incapacité du président Bouteflika qui était victime d’un AVC.

Suite aux événements que traverse l’Algérie depuis le 22 février 2019, Ali Yahia Abdennour a appelé à reporter les élections et a prôné un dialogue entre les représentants des manifestations et l’armée pour aboutir à une transition politique de manière pacifique.

Malgré son âge, Ali Yahia Abdennour continue toujours de prendre parole et à accepter des invitations ou des rencontres pour apporter son témoignage et exposer ses idées politiques au grand public. Infatigable militant, il a toutefois toujours milité de manière très pacifique.