Nous utilisons parfois, si ce n’est souvent, dans la même discussion, deux temps très différents : le temps politique et le temps historique. Ce qui crée inévitablement des malentendus et des polémiques inutiles.
1 – Le temps politique : le temps pratiqué par la majorité. Un temps très court dans lequel on doit agir ou réagir, parfois avec beaucoup d’émotions. Un temps lié a l’actualité. Les personnes qui sont appelées à participer à des débats ou à des bavardages politiques se retrouvent souvent prises dans le feu de l’action dans laquelle ils s’expriment sans recul. Ce qui les pousse parfois à rater leurs communications.
2- Le temps historique : le temps de l’analyse et de vérification. Un temps long qui permet à ceux qui le pratiquent de réfléchir et de demander conseil. Contrairement à ceux qui sont dans le temps politique, qui agissent dans l’urgence afin de sauver le présent et de préparer l’avenir, ceux qui sont dans le temps historique sont engagés dans le sentier inverse, histoire de comprendre ce qui s’est passé avant d’arriver ce présent compromettant.
Ces deux temps doivent être complémentaires. Ils ne doivent pas être en guerre. Celui qui est dans le temps historique doit expliquer l’histoire, la culture et les valeurs du passé et celui qui est dans le temps politique doit choisir, selon son projet politique, de rompre avec le passé ou de le perpétuer.
Un historien qui prouve que la Kabylie n’a jamais connu la démocratie, d’inspiration universelle, ne dit pas que la Kabylie ne pourra jamais être une nation démocratique. Les acteurs politiques doivent prendre cela en considération et se lancer contre l’histoire dans la construction de la démocratie universelle. Rien n’est impossible.
L’Occident n’est pas né démocratique, il l’est devenu. Tous les peuples peuvent le devenir. Mais pour cela les acteurs politiques et leurs peuples doivent faire des choix de ruptures forts avec le passé. Et c’est la grande question que nous devons nous poser : « peut-on construire un pays moderne sur des vieilles valeurs ?«
Bien sûr que nous pouvons construire la démocratie universelle, mais pour ce faire, nous ne devons nullement nous référer aux pratiques et aux institutions locales : tajmaɛt/assemblée villageoise n’a jamais été ni un sénat ni un parlement. C’est un lieu de réunion archaïque où les pères parlent, les fils écoutent et un vieux célibataire, toujours le même, paye une amande car il a un autre avis que les chefs, et qu’on appelle amaɛwaju n taddart/le tordu du village et non un opposant politique.
Les acteurs politiques, après l’analyse et le rapport de l’historien, doivent prendre des décisions qui s’imposent : l’histoire de leur pays si elle n’est pas compatible avec le rêve de sa jeunesse, ils doivent s’en passer.
Les Arabo-Islamistes ont voulu créer un pays arabe et islamique, ils ont falsifié l’histoire. Cette dernière n’est pas indispensable pour construire l’Avenir. On peut aussi faire pareil, faire abstraction ou falsifier le passé pour sauver l’avenir. Alexandre Dumas disait : « on peut violer l’histoire à condition de lui faire de beaux enfants« .
L’histoire de la Kabylie est liée à l’histoire de l’Algérie arabe et islamique. L’Algérie qui a violé l’histoire de l’Afrique du Nord, autrement dit l’histoire de nos ancêtres, sans pouvoir lui faire des bâtards magnifiques hélas. Violons à notre tour l’histoire de l’Algérie pour nous garantir un bel avenir et de beaux enfants.
Soyons lucides, si l’histoire de l’Afrique du Nord est violée, celle de la Kabylie l’est aussi par ricochets.