La région d’Isahliyen se situe en Kabylie maritime. Elle s’étend pratiquement de Tichy jusqu’à Kherrata dans le massif des Babors, voire un peu plus. On y parle tasahlit, un des dialectes de la langue Kabyle. Celui-ci, en plus de son accent, compte également des mots qu’on ne retrouve dans aucun autre dialecte Kabyle.
Voici donc dix mots de ce dialecte qui n’existent nulle part ailleurs en Kabylie.
1- Azzelg
Dans plusieurs régions de la Kabylie, on emploie le terme « abeḥri » ou « aḍu » pour désigner « le rhume ». « Yewwet-it ubeḥri » (Il a rattrapé le rhume). En Tasahlit, on dit « azzelg », dont le « g » est spirant. Tandis que « la grippe » on la désigne généralement par « ameɛdus».
2- Areg
Sortir. Ici ce verbe est intransitif (d aramsuk) et la lettre « g » est spirante. Isahliyen le prononcent pour l’équivalent de « ffeɣ ». « Areg sey-a » (sors d’ici).
À signaler que « asrag » désigne à la fois le fait de sortir quelqu’un est le fait de deviner quelque chose : « Sreg-d ṭra d acu i as-nniɣ ! » (Devine qu’est ce que je lui ai dit). Lorsqu’on parle de « deviner », le verbe est toujours accompagné par un tiret et une particule.
3- Aney
Ce verbe peut prêter à confusion dans la prononciation avec le verbe « ani » qui signifie en kabyle : rechercher minutieusement. Or, le verbe « aney » est l’équivalent de « monter » en français. On l’emploie aussi au Maroc. Cet « y » final qu’il a, il le tient de « tumnayt ».
4- Tumnayt
Montée ou transport. Ce mot a deux significations qui sont toujours en usage à l’Est de la Kabylie. En plus d’occuper le rôle de mot d’action du verbe « aney », les Isahliyen l’emploient également pour le terme « transport ». « Ṭṭfeɣ tumnayt tasebḥit-a » (J’ai pris le transport ce matin). La tendance d’utilisation de ce mot est malheureusement descendante, mais certains auteurs Kabyles, à l’image de Kaysa Khalifi et Amar Mezdad, l’ont introduit dans leurs écrits afin de le faire vivre.
5- Aleɛ
Ce mot est un adverbe indiquant l’imprécision ou/et le doute. Il est en quelque sorte l’équivalent de « quelque » en français. Dans le dialecte de tasahlit, il précède les pronoms, les adverbes, etc. Comme par exemple:
- Aleɛ anwa: quelqu’un.
- Aleɛ melmi: quelque temps, un certain temps.
- Aleɛ anig: quelque part.
- Aleɛ acu: quelque chose.
Par rapport aux années précédentes, il n’est pas très employé actuellement.
6- Mugin
Ce mot-pronom est, lui aussi, en voie de disparition à l’Est de la Kabyle. Il est oublié au détriment de « menhu » ou « anwa » : « Mugin illan da? » (Qui est là?). Sa forme semble invariable même pour le féminin et le pluriel, mais ça reste à confirmer.
7- Saɣel
Cet adverbe est le synonyme de « akkin ». Il est très employé chez Isahliyen pour désigner notamment ce qui est loin dans l’espace. Sauf que son origine demeure inconnue. Contrairement à « akkin » où l’on trouve la particule « in » désignant un lieu donné : « Izdeɣ saɣel i udrar ».
8- Ameččuk
Garçon. Pour information, ce mot existe aussi bien chez Isahliyen que chez Icawiyen. C’est l’équivalent de « aqcic », très répandu en Kabylie, qu’on emploie également au Sahel, mais rarement. « Tameččukt » est son féminin.
9- Sigg
Regarde. Ce verbe est synonyme de « muqel » : « Sigg ma ikkat » (regarde si il pleut). Son nom d’action « aseggad » est très proche de « asekkud », plus connu en Kabylie.
10- Ayhih
Dans les langues amazighes, on forme plusieurs mots avec la lettre « h » qui ont un rapport direct ou indirect avec le consentement ou le refus. Ainsi, si chez Isahliyen « ih » veut dire « oui » et « uhu » veut dire « non », « ayhih » quant à lui signifie « d’accord ». Il est proche de « ihayen » mais ils n’ont pas la même signification. « Ihayen » c’est la réaffirmation du consentement, c’est-à-dire « ih » deux fois. Malheureusement, ce mot « ayhih » n’a pas pu être bien transmis à la jeune génération du moment qu’au jour d’aujourd’hui il est beaucoup plus employé par les vieilles gens et les hommes de culture de la région.
Ainsi donc Tasaḥlit, un des dialectes identifiés en Kabylie, est riche de part son vocabulaire, en plus de son accent spécifique. Cela met en avant la richesse de la langue Kabyle, à travers ses multiples variantes locales, qui sont à promouvoir.
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