Interview exclusive avec Zedek Mouloud : « L’arrivée de Mellal à la JSK a beaucoup dérangé »

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Ces 20 dernières années, Zedek Mouloud est l’un des chanteurs kabyles les plus sensibles à la situation sociale et surtout culturelle et identitaire de son peuple. En véritable témoin de son époque, non seulement il oeuvre à éveiller les consciences sur des sujets de société par le biais de ses chansons, mais il incite également les Kabyles à se poser des questions sur leur existence, leur langue et leur identité.

Alors que sa carrière bat son plein, avec un Zénith à Paris réussi, de nouveaux singles et des projets littéraires, Vava innova a sollicité le fils d’At Xelfun pour répondre à nos questions sur ses nombreux projets et sur des sujets d’actualité, dont la situation de la JSK.

VAVA-innova : Un mot à propos de votre dernier duo avec le fils de Hamidouche Kedym…

Zedek Mouloud : C’était un challenge réussi. Il a bien plu aux gens. Même sur Youtube il a enregistré bon nombre de vues. C’était du nouveau dans la mesure où il y avait 2 générations. Et c’est bien de montrer les chemins à la jeunesse.

Justement, on a constaté que vous avez réalisé plusieurs duos avec les jeunes. Est-ce une façon de leur montrer la voie?

Oui. En fait, l’idée ne vient pas de moi, mais lorsque quelqu’un me sollicite je fais de mon mieux pour que je réponde favorablement et lui prêter main-forte. C’est ça taqbaylit. Et bien sûr, il faut que le thème de la chanson en question soit en phase avec mes principes et mon combat. Bien que, généralement, lorsqu’on me sollicite, on sait bien ce qu’on cherche chez moi.

Si on revient à la chanson « Ameḥbus-nni » que vous avez dédiée aux détenus d’opinion en Algérie. Certains de vos fans ont critiqué votre choix de chanter en arabe. Un commentaire?

A vrai dire, c’est une idée qui m’est venue à la dernière minute. Je me suis dit que, tant que j’ai chanté un texte en français, je devais peut-être rajouter l’arabe. Mais c’était beaucoup plus pour m’adresser aux gens qui sont au Pouvoir, ceux qui gouvernent.

Peut-on dire que vous avez aussi cru à ce mouvement auquel, il faut le dire, a pris part la Kabylie ?

Moi je crois en tous les combats pour la liberté et le droit. Là où il y a un peuple qui lutte pour le changement, pour qu’il avance, moi je suis à ses côtés. On peut dire qu’il y a aussi des gens dans les régions arabophones qui en ont marre de ce que leur imposent les dirigeants de ce pays, et veulent que ça change. Vous ne pouvez pas leur dire que puisque vous êtes des Arabes restez comme vous êtes.

Je rebondis sur votre dernière question, moi, la langue arabe en soi, comme langue de communication, je n’en ai rien contre elle. Au contraire, c’est bien d’apprendre toutes les langues. Il faut connaître l’arabe pour savoir qu’est-ce que les Arabes pensent de nous. Après, ce que véhicule une langue étrangère c’est un autre débat. Il est clair que je suis contre l’arabe en tant que langue d’idéologie, de propagande ou de colonisation politique. Moi je déteste les langues lorsqu’elles viennent prendre la place de ma langue maternelle. Il faut d’abord que ma langue vienne en premier pour que les autres suivent.

Un mot sur la JSK et sa direction qui subissent l’acharnement de courants étrangers. Quel est votre commentaire sur la situation ?

Mon avis à propos de la JSK, je l’ai dit il y a des années et il reste le même. On ne peut pas dire que la JSK et les autres clubs sont pareils. Les autres peut-être ils jouent du ballon c’est tout, mais la JSK c’est plus qu’un club de football. La JSK c’est un porte-flambeau, la JSK c’est sacré, la JSK c’est notre identité. La JSK a toujours participé dans le combat pour notre cause. Donc aujourd’hui, on ne peut pas la laisser entre les mains de n’importe qui. Il y a un peu de politique dans la JSK parce que la JSK dérange. Le « K » à lui seul ne plaît pas à beaucoup.

Ils ont essayé à maintes fois de modifier son nom. C’est après 1989, après la soi-disant ouverture politique, qu’elle a pu reprendre sa vraie appellation à savoir « JSK ». Moi je sais que l’arrivée de Mellal a beaucoup dérangé dans la mesure où, dès qu’il a pris les commandes, il a apporté beaucoup de changements au sein de la JSK. Que ce soit au niveau du sponsoring ou la gestion du club, il a apporté sa touche.

Moi personnellement, une fois je suis allé au stade avec ma famille, et croyez-moi, je ne pouvais pas regarder le match. Il y avait des gens qui insultaient tous azimuts, qui agressaient verbalement. Pour moi ce ne sont pas des Kabyles. C’est loin de taqbaylit.

Pour revenir à la JSK, dans le football il y a des victoires et des défaites. Et ce n’est pas à chaque fois que la JSK perde, on demande le changement. On peut débattre sur comment élever le niveau de jeu de la JSK mais, après tout, qu’elle gagne ou qu’elle perde la JSK reste la JSK.

Côté artistique, il semble que vous préparez un nouvel album. N’est-ce pas ?

Pour le moment, je prépare des chansons qui sont presque prêtes à 80 %, mais je ne suis pas encore entré au studio.

Aussi, je prépare des singles que je publierais incessamment, dont un duo avec mon fils Minig et un hommage aux victimes du Printemps noir.

Vos rendez-vous musicaux ont été malheureusement annulés à cause de la pandémie du Covid-19. Y a-t-il quelque chose en perspective ?

Et oui ! Que voulez-vous que je vous dise. On vit un mauvais temps et c’est ça concerne tous les artistes. Ça fait presque un an, il n’y a pas de galas, il n’y a pas de rencontres. Donc c’est difficile, surtout pour ces artistes qui vivent de leur art. Espérons seulement que la situation passera et que les artistes retrouvent leur public.

Qu’en est-il de votre roman que vous avez écrit en kabyle ?

Oui. Le roman est achevé et il est en attente de publication. On va voir comment faire car cela dépendra de l’évolution de la situation sanitaire. Ceci dit, on ne peut pas prédire quelque chose. Si ça ne tient qu’à moi, j’aimerais qu’il soit publié ce printemps, sinon le plus tôt possible. Entre autres, je suis en train de ficeler un livre autobiographique. C’est un genre de témoignage sur tout ce que j’ai vécu.

Quant à l’écriture ou la production, il faut qu’elle soit toujours, il faut qu’elle existe même en petites quantités. C’est l’avenir de notre langue.

Et pour le recueil de proverbes ?

Le recueil, je peux dire qu’il est presque prêt. Mais, pour l’instant, je ne l’ai pas proposé aux éditions. Même si, peut-être, je ferais en sorte qu’il soit traduit vers le français avant d’être édité. En tout cas, ce n’est pas à l’ordre du jour.

Un mot sur votre dernier clip « Ifukk userbek  » que vous avez récemment mis en ligne…

J’aurais souhaité le réaliser à Tamurt. Mais cette pandémie nous a contraints à le faire ici. N’empêche, c’est un bon travail qui a suscité l’admiration de beaucoup de fans. Il y aura d’autres chansons réalisées en clip, incluant les images de notre Kabylie.

Propos recueillis par Azwaw

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