Romain répond — Pourquoi tout le récit de notre histoire n’est que larmes, sang et grincements de dents?

,

Les élites (écrivains, journalistes, artistes, historiens, chefs politiques, profs, universitaires, imams… ) issues de la guerre, comme toutes les élites africaines, n’ont développé dans la tête de leurs « concitoyens » et « coreligionnaires » que la mémoire et l’esprit de guerre.

A croire que sous les différentes occupations qu’ont connu l’Algérie et l’Afrique du Nord, nos ancêtres ont cessé de vivre : ils ne se mariaient pas, ne mangeaient pas, ne buvaient pas, ne chantaient pas, ne dansaient pas, ne chassaient pas, ne semaient pas, ne faisaient pas l’amour, ne créaient pas, ne construisaient pas, ne taillaient pas des flûtes… nous les imaginons souvent les armes à la main, les cheveux au vent et le regard dur, en train de combattre l’ennemi.

Il nous est presque impossible d’imaginer Massinissa prier le soleil dans un temple, Juba I se baigner dans une rivière, Juba Il écrire dans son bureau, Jugurtha rêver dans les bras de sa maitresse probablement romaine, Takfarinas chasser du sanglier, Firmus déguster une coupe de vin de Bgayet, Dihia danser et chanter avec son bien aimé, Aksil rire à une blague d’un ami… et vous pouvez continuer ainsi jusqu’à la guerre d’Algérie.

Tout le récit de notre histoire n’est que larmes, sang et grincements de dents. C’est l’unique discours que nous connaissons et que nous transmettons de génération en génération sans aucune forme de modération.

Comment ne pas oublier dans ces circonstances de quoi est faite la vie quotidienne de nos ancêtres, leurs amours, leurs coutumes, leurs croyances, leur culture, leur identité… ? Nous faisons abstraction de tout cela. Rien qu’à voir l’arbre généalogique de nos familles royales (dressé dans le cadre islamique) : que des hommes, à croire qu’ils se reproduisaient sans femmes.

Tous ces discours révolutionnaires ont contribué à former un peuple de haineux. Un peuple qui veut se venger de tout l’univers : des Romains, des Chrétiens, des Juifs, de son passé, même des Chinois qui ne chercheraient que leurs intérêts en Algérie et en Afrique…

À cette fin, seul l’Islam est capable de le satisfaire et de lui offrir la perspective; de valider, de cautionner et d’entretenir sa haine; de l’armer et de lui donner l’occasion d’assouvir sa vengeance sur la vie et l’histoire.

Voilà où mène le discours révolutionnaire, non pas à la libération et à l’émancipation des peuples comme promis, mais plutôt à la haine et à la guerre.

Romain Caesar, Écrivain