Romain répond — Pourquoi Kabyles et algériens ne sont pas d’accord sur le sens des mots « héros » et « traîtres » ?

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Je ne reproche pas aux politiciens d’origine kabyle de vouloir faire aimer l’Algérie aux Kabyles, c’est leur boulot, mais pas de faire d’eux, pas tous heureusement, des schizophrènes qui confondent l’Algérie et la Kabylie.

Je vais vous raconter une blague que mon ami Rezki Rabia m’a racontée et qui ressemble un peu à la situation politique dans laquelle se trouvent ces « schizophrènes » : à l’approche d’un examen, un prof demande à ses élèves de réviser deux cours, le cours sur le rat et celui sur l’éléphant. Un élève, ayant la phobie des rats, décide de réviser uniquement le cours sur l’éléphant. Le jour de l’examen, mauvaise surprise, le sujet était sur le rat. L’élève prend son stylo, réfléchit un peu et écrit : « Le rat est gris et possède une queue comme l’éléphant. L’éléphant : (deux points) » et il remplit quatre pages en deux temps trois mouvements. On a l’impression que certains Kabyles procèdent de la même façon : j’aime l’Algérie comme la Kabylie. La Kabylie : (deux points) et ils se lancent dans la description de celle-ci. Ils commencent leur récit de Massinissa à Matoub Lounès, en passant par Dihia, Aksil, Cheikh Aheddad, El Mokrani, Fadhma n Soummer, At Qasi, les Berbéristes de 49 et leurs bourreaux de 54, sans oublier la JSK et le mouvement 80.

Ce discours reçu dans les meetings, les conférences, les rencontres folkloriques et les campagnes électorales fonctionne comme une sorte de brouillard qui empêche tout débat de fond, serein et constructif. Ce discours fonctionne de plus en moins en Kabylie, mais dès qu’il franchit Mirabeau, et qu’on croise d’autres algériens qui pratiquent le contre-discours, que ces Kabyles ont tendance à considérer comme des contre-vérités (de l’autre côté pareil, la seule différence, c’est qu’ils ne confondent pas l’Algérie et la Kabylie, mais l’Algérie et la Palestine).

Voici donc deux exemples pour justifier mes propos :
1) Tous les Kabyles croient que Messali est un traître. Traître par rapport à quoi et à qui ? A l’Algérie berbère ou algérienne (qui signifie pour eux la Kabylie) ou à l’Algérie arabo-islamique ? Et quand on le dit, notre message s’adresse-t-il à qui en fin de compte ? Aux Kabyles bien entendu, car pour les autres Algériens (les Berbères qui s’ignorent selon nos politiciens), exceptés les militants du FLN, Messali demeure un héros, un excellent idéologue, défenseur de l’Algérie arabe et islamique, qu’ils aiment. En quoi donc est-il traître ?
2) Ils croient également que Abane, Krim, Amirouche, Aït Ahmed… sont de vrais nationalistes contrairement à Ben Bella, Boumediène, Bouteflika, Boussouf… Encore une fois qu’est-ce qui leur permet de dire ces choses-là ? Est-ce parce que les premiers sont Kabyles et les seconds veulent une Algérie sans la Kabylie ? En quoi les seconds sont-ils des anti-nationalistes ? Par rapport à quoi et à qui ?

Sans oublier d’autres sottises comme « le pouvoir est bête« , « les Islamistes ne comprennent rien à la politique« … des idées reçues et avalées sous forme de couleuvres sans aucun recul.

Les Kabyles et les Arabes algériens sont loin d’être d’accords sur la signification des mots « héros » et « traîtres », pourquoi ? Est-ce parce qu’ils servent deux causes différentes ? Deux pays différents ?

Ils trouvent parfois des consensus à travers l’équipe nationale d’Algérie, surtout quand celle-ci est entrainée par Khalef, donc par la JSK, puis autour de la figure de Larbi Ben Mhedi dont on ne connait que le sourire, un héros sympathique que même ses tortionnaires admirent.

Romain Caesar, Écrivain

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