Plus qu’un article, un hommage. En 2 années seulement, Karim Sadki, alias Gabonè, a su démontrer à quel point le rap Kabyle a gagné en maturité. Il rappellerait, sans doute, les débuts de Matoub Lounes. Tout de suite identifié par son style et tout de suite détonnant par son engagement.
Un géant est né
Gabonè est né au sommet. Le rap a accouché d’un géant kabyle et cela se ressent dès son premier son. En effet, diffusé en juin 2018, Mmis tmurt est une introduction, on ne peut plus clair, de son projet qui ne cesse de se confirmer morceau après morceau.
Une cohérence stylistique qui cultive le mystère
« Je porte des lunettes pour cacher mes yeux de défoncé« , nous a révélé Karim avec beaucoup d’humour. Un gars qui surprend par son humilité. D’ailleurs, dans notre échange, il terminait chacune de ses phrases par « agma ». Ce qui peut paraitre paradoxal vu son style. Egalement tatoueur, Gabonè attire par sa cohérence stylistique qui cultive le mystère. Lunettes sur le nez, une longue barbe, des tattoos à gogo, de grosses chaussures, souvent un gros cigare suspendu à sa bouche ou une bouteille de whisky accrochée à sa main, Gabonè évolue dans un océan d’une autre dimension. Une cohérence qui, démontrerait, selon lui, son côté « solo et réservé », mais on y voit surtout un personnage décalé et hors du temps !
Débit inédit et qualité des punchlines
Le rap de Gabonè, c’est… du rap avant tout. Les mots sont crus , les gros mots sont au rendez-vous. ça boit, ça fume, ça parle d’armes et d’ajenwi en particulier, ça évolue dans des décors déphasés. Mais ce qui en fait du rap de haute voltige, c’est la vitesse du flow et la qualité des punchlines. En effet, un tel débit de paroles est tout simplement sans précédent dans le rap Kabyle. Le titre D Aqvayli illustre très bien cela. Quant aux punchlines, Black list III en renferme une pléthore. Ce qui montre que les textes sont minutieusement travaillés, incluant des métaphores et autres images, qui font gagner en finesse et à ses œuvres : « Yal agdud yessen yemm-as, aqvayli yessen tayeḍ« , balance-t-il notamment, ou encore « Tettaliḍ-d agma γef ul-iw am zzit ɣef aman, ad tekkes tvarda i weɣyul daya i nessaram« .
Constant dans l’engagement
Gabonè ne tergiverse pas. Le combat pour l’identité Kabyle est pratiquement dans tous les textes. Il est sans doute l’artiste engagé par excellence sur la nouvelle scène artistique Kabyle. Si beaucoup d’artistes ne se disent « Kabylistes » que dans les coulisses, Gabonè le crie dans ses refrains et le confirme dans ses couplets. Si d’aucuns évitent les sujets chauds de l’actualité pour ne pas déplaire et préfèrent viser le consensus, Gabonè fait de l’actualité une inspiration qu’il décortique à coups de punchlines.
« L’engagement c’est dans le sang a gma« , nous dit-il : « on ne peut rester indifférent devant tout ce que vit et ce qu’a vécu la Kabylie« , a-t-il assuré. Portant un message révolutionnaire, les textes de Gabonè sont une véritable fontaine de ressourcement pour les militants de la cause Kabyle.
Sur le fond, Gabonè, c’est aussi une solide personnalité artistique, pourvue d’une constance exemplaire. La cohérence des propos de cet auteur compositeur interprète dans l’ensemble de ses œuvres force le respect.
D Aqvayli Kan, Maxmuxen, invivo… l’équipe
Le son fait transpirer les oreilles et les clips sont de véritables pépites qui absorbent le regard. Chaque nouvelle diffusion est unique par sa qualité et son style. Gaboné, c’est Karim Sadki, l’enfant d’Ouzellaguen, mais c’est également une équipe complète et constante. Sur chacun de ses clips, on voit en effet se succéder les logos de plusieurs boites : Notamment, celui de « Maxmuxen » à la réalisation des clips et « invivo » le studio d’enregistrement. « D Aqvayli kan » est quant à lui ce projet porté par cette équipe de passionnés.
On l’aime ou on le respecte
Ainsi donc, chacune de ses paroles, chacun de ses gestes permettent d’identifier qui est Gabonè. Un artiste complet, mature et qui sait ce qu’il veut. En cohérence avec une bonne partie de la jeunesse Kabyle, il se fait jour après jour un public, que dis-je, des adeptes, de plus en plus nombreux. Sans tapage médiatique, sans chercher le buzz sur les réseaux sociaux, il se propage sur la pointe des pieds. En 2 années d’existence, Gaboné cumule des centaines de milliers d’écoute sur Youtube.
Beaucoup l’on découvert par hasard sur Youtube, d’autres vont peut-être le découvrir à travers cet article et vont penser qu’ils sont passés à côté de quelque chose. On confirme et conclut : Tout comme Ssi Muh Umhand, Matoub Lounes et d’autres témoins engagés de leur époque, Gabonè on l’aime ou on le respecte.