Statut de la Kabylie : Said Sadi renchérit et des autonomistes répondent

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Alors que le scepticisme gagne de plus en plus les citoyens quant à la réussite du Hirak et suite aux « zéro votes » enregistrés en Kabylie lors des deux échéances électorales algériennes, des politiques et militants Kabyles mettent sur la table l’opportunité d’un « statut pour la Kabylie ». D’autant plus que l’indépendance, prônée par le MAK depuis au moins 2016, ne cesse de gagner du terrain malgré la répression et le blackout médiatique.

C’est dans ce sillage que le RPK (Rassemblement Pour la Kabylie – autonomiste) a repris son activité en vue de l’organisation d’une « Conférence régionale de Kabylie ». C’est également dans ce sillage que Said Sadi a été interrogé quant à sa position sur l’idée d’indépendance prônée par le MAK. Comme rapporté par notre média le 4 mai dernier, l’ancien Président du RCD a soulevé une problématique concernant l’indépendance tout en proposant une alternative. La problématique étant « que faire des Kabyles qui sont en dehors de la Kabyle » et l’alternative étant d’aller vers « l’Afrique du nord des région« . Si la problématique a largement été tournée en dérision par les militants indépendantistes, l’alternative de la régionalisation transfrontalière a été jugée utopique et moins réaliste que l’idée d’indépendance de la Kabylie, et ce y compris par des opposants à cette option.

Said Sadi renchérit sur la nécessité de la réflexion avant « le slogan »

Suite à ces nombreuses réactions, le Dr Sadi a renchérit par une nouvelle tribune, datant de ce 8 mai et rappelant les efforts qu’il a déployé, avec ses anciens camarades du RCD, pour susciter le débat et la réflexion autour de la Régionalisation modulable.

« Avant d’être présenté en tant qu’offre politique, le projet de régionalisation modulable a fait l’objet de deux séminaires en interne dans le RCD« , a-t-il assuré avant de rappeler qu’une université d’été tenue spécialement autour de cette thématique a été organisée et qu’un colloque nord-africain a été consacré à ce sujet : « A la fin de toutes ces rencontres, un ouvrage contenant les interventions et les débats qui s’en sont suivis fut édité pour appeler à élargir la réflexion« , a-t-il encore expliqué, avant de marteler : « Nous avons toujours privilégié la pose des fondations avant de lancer des slogans« . Cette dernière réflexion est intéressante à relever.

En effet, Said Sadi a déjà, dans le passé, estimé que le MAK priorise la symbolique sur la réflexion. C’était notamment le cas lors de sa conférence à Montréal le 14 juin 2018, alors qu’un intervenant lui avait demandé ce qu’il pensait de l’existence d’un drapeau Kabyle, il avait martelé : « Je ne crois pas du tout à cette démarche qui commence à porter les références symboliques avant la réflexion stratégique« , disait-il.

Réponse de l’autonomiste Salim Chait

Bien que cette publication de Said Sadi énumérant les démarches effectuées concernant l’idée de « la régionalisation modulable » ait suscité de nombreux commentaires de la part des indépendantistes, c’est bien un autonomiste, en l’occurrence Salim Chait, qui a tenu à répondre via une tribune, sans jamais citer Said Sadi, ni faire référence à sa publication. Ce militant, proche de Hamou Boumedine, porte-parole du RPK, a lui aussi tenu à rappeler le travail de réflexion, de débat et d’analyse qu’a connu le MAK dans sa version autonomiste, alors qu’il en faisait encore partie.

« Ce qu’a produit le MAK de 2001 à 2007 est d’une valeur intellectuelle très grande et qu’aucune autre formation politique ou groupe de réflexion n’ont pu produire autant« , a-t-il assuré, évoquant les « centaines de conférence à l’université« , le séminaire d’Icharεiwen et ses « communications de haute facture« , les universités d’été de 2004 et 2005, le séminaire « autonomie en débat » qui s’était tenu en France, les réflexions de Hemmu Boumeddine qui sont « des références en matière de réflexion » a-t-il assuré.

Pour Salim Chait, qui fait partie des animateurs de la Conférence régionale de Kabylie, a, en dernier, tenu des propos sans ambages contre ceux qui « prétendent être les dépositaires et les paternalistes du projet de décentralisation » : « Le narcissisme de certains les poussent à dénier à toute personne sa capacité de produire des réflexions sur bien des sujets« , a-t-il martelé avant de conclure : « Les polémiques stériles et le mépris à l’égard d’autrui n’avancent en rien. Seul un débat serein et décomplexé pourrait nous sortir de l’impasse politique que nous vivons« .

Et le MAK (version autodétermination) dans tout ça?

Dans ce débat relatif à la production de la réflexion, on peut noter d’abord que curieusement Salim Chait n’a pas fait référence au livre de Ferhat Mehenni « Algérie : La question Kabyle » sorti en 2004 et qui était, sans doute aucun, une référence durant les premières années de l’existence du MAK. Il est également intéressant de constater la constance de l’avis que porte Said Sadi vis-à-vis du MAK entre 2018 et 2021 : la symbolique et les slogans avant la réflexion, la stratégie et la pose de fondations.

Ensuite, il est à constater que ni Ferhat Mehenni, qui a fait une allocution hier par ailleurs, ni aucun cadre du mouvement indépendantiste n’ont jugé utile, pour le moment, de donner des preuves, puisque c’est de cela qu’il s’agit, qu’il y a bien eu de la réflexion, du débat et de la documentation autour des idées de l’autodétermination et de l’indépendance de la Kabylie. Pourtant la production de conférences, d’allocutions, de livres (Le Siècle identitaire de Ferhat Mehenni étant un peu la bible des indépendantistes) et de mémorandums n’ont pas manqué.

En tout cas, de la réflexion et de l’analyse, il y en a eu de tous les côtés. Le MAK est, quant à lui, passé à l’étape de la vulgarisation et de la concrétisation d’actions, de symboles, de structures.

A voir si Said Sadi est maintenant prêt à faire évoluer une idée clairement fausse qui voudrait que lui et ses camardes ont bien produit de la réflexion autour de la régionalisation modulable mais le MAK n’en a pas fait autant sur l’autonomie puis sur l’indépendance.

Le débat sur l’avenir de la Kabylie se situerait sans doute ailleurs.

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