A qui profitera la fin de « l’esprit villageois » ? (par Romain Caesar)

,

Je voudrais dire à mes amis qui luttent contre les archaïsmes et l’esprit villageois, je suis d’accord avec vous, je souhaite comme vous une société moderne et ouverte. Mais avant de s’attaquer à ces archaïsmes, nous devons nous poser la question suivante : « A qui profitera la fin de l’esprit villageois ?« 

Pas forcément aux Kabyles qui souhaitent bâtir un État moderne. Nous avons essayé, durant les années 70/80, d’introduire les Beatles et Mozart dans nos villages et c’est le raï et le chaâbi que nous avons récoltés. Nous avons essayé d’introduire des philosophes et c’est les imams que nous avons intronisés. Nous avons essayé d’introduire la science et c’est la roqya que nous avons eue. Nous avons essayé d’introduire Hippocrate et c’est BuqriT qui s’est invité dans nos marchés… Chaque fois que nous semons une idée moderne, c’est le contraire que nous obtenons.

Ne détruisons pas si vite les seuls remparts qui tiennent encore tête à l’arabo-islamisme. Il faut détruire d’abord ce dernier qui empêche toute ouverture du kabyle sur d’autres cultures, toute réforme de ses traditions anciennes. Nous avons tort de penser que le problème vient seulement de nous.

Pour le Kabyle, les archaïsmes sont plus un système de défense qu’un mode de vie choisi. Les Kabyles veulent se développer, mais ils ont peur d’être débordés par l’arabo-islamisme. Ils vivent dans l’insécurité totale. Ils sont terrorisés par l’idée du changement, même s’ils le souhaitent profondément.

Nous avons avec bonne foi détruit le Paganisme, avons-nous pour autant accéder à la laïcité et à l’athéisme scientifique ? Loin s’en faut, nous n’avons fait qu’ouvrir des boulevards à L’islamisme : nous avons souhaité des bibliothèques, nous avons eu des mosquées. Nous avons souhaité des écoles d’art, nous avons eu des écoles coraniques. Nous avons souhaité des lieux de cultures, nous avons eu des monuments aux morts… Qui dit mieux ?

Tant que nous n’avons pas mieux que les archaïsmes à proposer à la société kabyle, tant que nous n’avons pas le pouvoir de construire ce que nous voulons, mieux vaut ne pas aider l’arabo-islamisme à occuper les espaces que nous lui libérons et que nous laissons souvent vides, faute de moyens et de volonté. Vous savez très bien que la nature a horreur du vide. La nature kabyle aussi.

Soyons prudents, après Tadmait, ce n’est pas le monde, c’est juste Alger, capitale arabo-islamiste. Aujourd’hui un kabyle qui travaille à Oran a plus d’influence au village qu’un sorbonnard. Les temps ont bien changé. Thela fi RuH-ek, cta wala xiyi !

PS : la société kabyle a peur à la fois de l’islamisme et du progressisme occidental. il ne faut peut-être pas abolir nos archaïsmes, il faut plutôt penser à les réformer et à les moderniser.

Romain Caesar, Écrivain