Le harcèlement contre la gérante du salon de thé du quartier Sidi El-Mouhoub reprend après une courte accalmie. L’association du quartier semble ne pas avoir digéré le discrédit qui l’a frappée après que l’opinion eût découvert le scandaleux complot fomenté contre elle. L’enjeu réel, inavoué, consistait à entraver l’existence d’un salon de thé mixte géré par une femme.
N’ayant pas obtenu la fermeture du commerce, l’association décide de poursuivre en justice la gérante sous des accusations fallacieuses, outrageantes, touchant de surcroît à son honneur et sa dignité. En plus de la plainte, l’association cherche à dresser l’administration contre elle (enquête de l’inspection de travail, de la Direction de la concurrence et des prix, DCP…) pouvant aboutir à sa fermeture sous couvert de légalité. Toutes les méthodes viles sont utilisées. Des intimidations venant de personnes étranges sont de plus manifestes, de plus en plus ostentatoires. On veut dissuader la clientèle de se rendre au salon de thé. On veut la pousser à la banqueroute, à mettre la clé sous le paillasson.
Même l’APC-FFS y contribue. Elle refuse de lui délivrer l’autorisation d’ériger une enseigne au-dessus de son commerce. Ces « élus » sont fantomatiques, indifférents et mêmes hostiles, à l’image de l’élu Abdelaziz B. (FFS) qui a conseillé, via une vidéo, à la gérante d’aller « rester à la maison. » Cette position publique intégriste n’a pas bien sûr soulevé la réprobation de son parti qui est d’ailleurs lui-même de plus en plus rétrograde. Le syndicat des commerçants (UGCAA) n’a adopté aucune position publique.
Le recul de la solidarité a encouragé de nouveau les instigateurs de la cabale. La haine est tenace. L’absence de justice a donné de l’audace à la lâcheté masculine. Bien sûr, la gérante a, elle aussi, déposé plainte contre l’association. Mais, l’affaire risque de trainer. Un comité de soutien devrait être créé en toute urgence.
Au-delà de cette affaire, c’est toute la problématique de la place de la femme dans l’espace public qui est posée. A part quelques femmes militantes qui se sont mises honorablement aux côtés de la gérante, la solidarité du côté de la gent féminine est encore faible, pas à la hauteur de ce qui est attendu d’elle (le gent). Le collectif des femmes libres et indépendantes de Bejaïa a fait de son mieux. Mais, la tâche est très grande. Le renforcement du collectif est indispensable. La mobilisation permanente des femmes est impérative, décisif.
L’affaire du salon de thé n’est pas une affaire banale. Elle révèle l’état de fanatisation des esprits entreprise par le système depuis des lustres à travers l’école, les masse médias, dont radio Soummam, le discours religieux misogyne…Cette fanatisation est programmé par le pouvoir lui-même via ses institutions pour empêcher toute modernisation de la société. La lutte pour la dignité et l’émancipation de la femme est d’une grande actualité. Rien ne doit justifier son report aux calendes grecques.
Kader Sadji