5 avions de chasse auraient survolé la Kabylie ce 16 septembre. Vraie ou fausse, cette information, agrémentée d’une vidéo amateur, circule telle une trainée de poudre sur les réseaux kabyles. Spontanément, on y voit tous une menace.
Personnellement, je ne donne pas d’interprétation particulière à cet évènement (ou non évènement). Quand bien même ces engins volants sont des avions militaires, aussi appelés avions de suprématie aérienne, je ne sais pas si ce survol est justifié par un exercice, une opération de routine qu’on peut voir ailleurs en Algérie et dans d’autres pays du monde. A l’inverse, je ne sais pas non plus si c’est un énième message du pouvoir algérien, une menace de plus, voir même une opération de repérage dans un projet global d’une guerre prochaine contre la Kabylie.
Je ne sais pas et pourtant je suis inquiet, comme tous les Kabyles, j’en suis persuadé. Inquiet en voyant ces 5 avions de chasse qui avancent alignés à basse altitude au dessus d’une localité Kabyle. Je me dis qu’il leur suffit de lâcher quelques bombes pour voir cette localité effacée de la carte. Catastrophisme ou tout à fait probable? Une inquiétude, en tout cas, qui vient alimenter cette peur, sentiment humain et légitime par ailleurs, qui est bien là depuis plusieurs semaines maintenant, et ce suite aux récents évènements qui ont frappé le pays de Fadhma n Soumeur. Des incendies criminels, inédits et ravageurs et un pouvoir qui nous empêche de faire le deuil en se lançant dans des rafles, jamais vues, d’enfants Kabyles accusés d’implication dans ces incendies, d’appartenance au MAK ou même de contact avec Ferhat Mehenni.
Qui est donc ce Kabyle, qu’il soit kabyliste ou algérianiste, qui n’a pas pris ces évènements comme un coup de massue sur la tête avant que la peur ne s’installe en lui ? Qui est ce kabyle qui ne se sent pas concerné et démuni à la fois? Qui est ce kabyle dont l’esprit n’est pas effleuré par un risque de guerre contre la Kabylie?
Le sujet ici n’est pas de savoir si cette guerre est possible ou même si elle a déjà commencé. Le sujet c’est de s’arrêter un moment sur cette peur qui nous habite quand on est Kabyles et parce qu’on est Kabyles. Une peur qui ne date pas d’aujourd’hui et qui est omniprésente. On vit sous une épée de Damoclès, régulièrement lâchée pour nous endeuiller et pérenniser notre peur. Chaque génération de Kabyles est ainsi appelée à vivre un traumatisme anti-kabyle majeur (1949, 1963, 1980, 2001 et 2021) et ce depuis la naissance du nationalisme algérien en 1926.
Attention, la peur est là mais le courage de résister aussi. De tout temps ! Mais est-ce le seule schéma possible pour nos enfants? Nous devons sérieusement méditer (pour ceux qui ne l’ont pas fait en tout cas) sur notre place dans cette Algérie qui ne cesse, depuis son existence, de confirmer son caractère colonial en Kabylie : Accepter éternellement de vivre sous la peur n’est pas envisageable. Continuer à former nos enfants, génération après génération, à la seule mission de la méfiance et de la résistance face à un pouvoir ennemi n’est franchement pas source de bonheur. Persister dans les espoirs à maintes fois déchus ne fait qu’encourager notre passivité. Se réfugier dans des ressentiments de défiance, d’esprit de revanche, de racisme ou de haine de soi, n’est sans doute pas la voie de l’épanouissement. Sans parler des vagues d’exode qui alimentent notre disparition, une disparition en douceur, je le concède.
Après avoir tant essayé, n’est-il pas temps de dire, avec raison mais aussi avec fermeté : « basta, dayen, on tourne la page Algérie ! »
