Journée Internationale de la langue maternelle : Pour les assises de l’Académie kabyle

,

Il n’est un secret pour personne que de tout temps et pour ne pas s’éteindre, une langue a besoin de son État propre et d’une institution qui puissent non seulement lui donner une visibilité et donc, une existence que, parfois, ses propres locuteurs ignorent ou peinent à assumer, voire à percevoir, mais aussi un cadre scientifique à même de remédier, dans la concertation et l’analyse, aux divers points restés en suspens, aux approximations, divergences et autres fluctuations dans les pratiques, notamment au niveau de sa syntaxe et de l’orthographe. Au-delà, cette institution permettra également d’extraire la langue aux limites d’une conception surannée et prisonnière d’une extrapolation dans le domaine de la linguistique à partir d’une lecture mythifiée de l’histoire et, enfin, de mettre en œuvre une stratégie visant à lui octroyer les moyens de s’épanouir, de gagner en puissance et ce, sans jamais tomber dans un purisme stérile ou dans l’élitisme qui est invariablement suicidaire.

À l’instar de toutes les académies qui existent dans le monde, l’Académie kabyle aura à intervenir dans tous les domaines liés à la langue kabyle : la linguistique, la syntaxe, l’orthographe, la littérature, l’enseignement, la production diverse et variée, l’industrie du livre, dictionnaires, nouvelles technologies… Son fonctionnement sera régi par un règlement intérieur qui sera discuté et adopté par les membres fondateurs, celui-ci ne pourra connaître de modification que dans le même cadre.

Pour ce faire, tout intervenant dans la langue kabyle1; linguiste, grammairien, chercheur, auteur, romancier, poète, journaliste, enseignant… peu importe le bord politique de chacun et pour peu qu’on reconnaisse au kabyle le caractère de langue à part entière, est interpellé par ce projet dont la portée engage carrément la pérennité de cette merveilleuse langue qui définit avant tout et par-dessus tout, la Kabylie et le citoyen kabyle.

Il n’est pas superflu d’insister sur le fait qu’en premier lieu et dans sa phase initiale, l’aboutissement de ce projet ne dépend en aucun cas des finances, pas plus qu’il ne l’est, à l’ère des nouvelles technologies de l’information, de l’existence d’une enceinte qui ferait office d’adresse administrative ou d’un fonctionnement en présentiel, mais uniquement de l’implication de chacun des acteurs concernés. Dans le cas contraire, il n’est pas question d’agir avec légèreté, en usant de copinage et/ou en s’appuyant sur des ego dans une entreprise aussi sérieuse et où la rigueur scientifique doit être de mise. Une académie n’est ni un parti politique, ni une association culturelle, c’est beaucoup plus que ça.

À travers cette esquisse, je lance donc ce débat kabylo-kabyle autour du projet de la création d’une Académie kabyle qui, je l’espère, suscitera des réflexions, produira des propositions et ne manquera pas de provoquer une convergence des énergies qui seront à même de nous permettre de sortir des sentiers battus et d’offrir enfin, à taqVaylit, l’existence et le destin qu’elle mérite.

Allas Di Tlelli, Écrivain
09/02/2020

(1) Il est bien question de la langue kabyle et non du « tamazight ». Cette dernière étant une famille des langues berbères et non une langue.