La lettre « E » : l’électron libre de la langue Kabyle

Asekkil « E » : asekkil ilelli n Teqbaylit

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On trouve dans les langues, notamment celles qui sont écrites en caractères latins, ce qu’on appelle « des voyelles ». Ces dernières servent à exprimer des sons du langage humain produits par le passage de l’air dans la cavité de la bouche ou du nez.

Dans la langue kabyle, on trouve quatre voyelles qui expriment tous les sons clairs de notre langue : « a », « i », « u » et « e ».

La lettre « e » est intéressante car elle a la particularité d’être volatile, voire même insignifiante : elle apparaît, disparaît et se déplace dans un même mot selon les formes, les conjugaisons, etc. Bref, un véritable électron libre.

Pour l’exemple : Gzem{couper} peut se conjuguer gezmeɣ {J’ai  coupé} ou bien ad gezmen {Il couperont}.

On remarque que la position de la voyelle « e » n’est pas fixe selon le temps de conjugaison du verbe. Elle passe de la position 3 à la position 2. Dans eǧǧ {Laisser}, ǧǧiɣ {J’ai laissé}, la lettre « e » disparait carrément.

On peut également retrouver ce phénomène dans les noms du lexique kabyle :

Exemple : azref {droit} devient izerfan {droits} au pluriel. Encore une fois, la position de la voyelle « e » n’est pas stricte.

A l’oral aussi, on rencontre souvent cette particularité mais attention, celle-ci n’est pas toujours transcrite : em{ Entrer}, ikčem-d {Il est entré (vers ici)}. À l’écrit, la lettre « e » est restée entre « c » et « m » dans ces deux cas alors qu’à l’oral, ce deuxième cas est lu [ikečm-ed].

Ce phénomène existe depuis toujours. Les linguistes spécialistes des langues amazighs rapportent que les premières traces écrites de cette langue ne comportaient pas de « e », voire même aucune voyelle. À savoir que les mots Kabyles cités ci-dessus pouvaient parfaitement s’écrire Gzm : gzmɣ ou bien azrf : izrfan.