Les 4 dialectes de la langue Kabyle selon Kamal At Zerrad

Ukkuẓ n tmeslayin n tutlayt taqbaylit sɣuṛ Kamal At Zerrad

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Jusqu’à récemment, nous avions coutume de parler d’une répartition géographie issue du système colonial français : La Petite et Grande Kabylie. Un découpage qui tend à disparaître, à juste titre.

Les autorités algériennes quant à elles, ont dispatché les kabylophones sur pas moins de 7 wilayas (Tizi Ouzou, Bejaïa, Bouira, Jijel, Setif, Bordj Bou Arreridj et Boumerdes ). L’idée ici est de casser toute homogénéité Kabyle et de créer des wilayates à majorité arabophone et à minorité kabylophone, dans le but d’arabiser cette dernière.

Ces répartitions, purement politiques, ne répondent à aucune réalité linguistique. Selon le linguiste Kabyle Kamal At Zerrad : « la situation linguistique kabyle est beaucoup plus complexe qu’une simple distinction entre Grande Kabylie et Petite Kabylie ».

En effet, dans ses travaux (1), le Professeur Kamal At Zerrad a estimé qu’on peut envisager au moins quatre groupes linguistiques kabyles plus ou moins homogènes :

  • Extrême occidental (EOC) : Dans les régions de Tizi Ɣennif, Buɣni, Draɛ Lmizan, Imkiren, Tizi n At Ɛica, At Yeḥya Musa, Tadmayt…
  • L’occidental (OC) : At Mengellat, At Yiraten, At Yenni, At Sedqa, Iwaḍiyen, AtƐissi, At Wasif, Tigzirt, At Jennad, Azeffun, At Ɣubṛin, Imceddalen, Tubiret, Ḥizeṛ, At Wizgan…
  • L’oriental (OR) : At Ksila, At Leqseṛ, At Mlikec, At Ɛebbas, At Ɛidel, At Xyiar, Aqbu, Icellaḍen…
  • L’extrême oriental (EOR) : Awqas, Melbu, At Smaɛel, Xeṛṛaṭa…

Cette subdivision dialectale se base sur plusieurs critères phonétiques et lexicaux comme les appellations des objets, les différentes prononciations des lettres ainsi que les assimilations qui peuvent exister entre les mots.

En termes de phonétique, certaines lettres peuvent se prononcer différemment selon les dialectes, à savoir la double voyelle « ww » (Tawwurt){porte} peut se prononcer :

  • bbw (Tabburt) en dialectes EOC et OC,
  • ggw (Taggurt) en dialecte OR,
  • et ww (Tawwurt) en dialecte EOR.

Autre exemple connu, la lettre « ḍ » peut se prononcer exceptionnellement « ṭ » chez les OR et EOR, et l’on entend aṭaṛ au lieu de aḍaṛ{pied}.

Des différences au niveau des possessifs également. Comme dans axxam-nnes{sa maison} en dialecte EOR alors qu’on dit axxam-ines chez les autres dialectes.

Du point de vue du vocabulaire, le lexique peut s’avérer très riche et varié entre les différents dialectes kabyles. Le foin par exemple, se dit « asaɣur » en dialectes OC et EOC et « tuga » en dialectes OR et EOR. Les cheveux se disent « acebbub »ou « aceččuy » en dialectes OC et « acekkuḥ » dans les dialectes orientaux.

Dans le dialecte extrême oriental de Awqas, on peut retrouver un vocabulaire encore plus distingué. Des mots comme « imejj » pour dire ameẓẓuɣ{oreille}, « aɛennur » pour dire anyir{front} ou bien « zhur » pour dire zur{épais}.

Par ailleurs, le linguiste kabyle indique une subdivision plus affinée des dialectes kabyles notamment par l’existence de mots grammaticaux différent au sein d’un même dialecte.

Voici les variantes rencontrées du démonstratif « ce/cette/cette » dans le seul groupe linguistique Occidental :

  • Argaz-agi{cet homme} en dialecte OC de l’ouest.
  • Argaz-aki chez les At Yenni.
  • Argaz-aki kana chez les At Wasif.
  • Argaz-agini kat chez certains parler d’Illulen.
  • Argaz-ayi en dialecte oriental.

(1) « Kabylie : Dialectologie » de Kamel Naït-Zerrad. Encyclopédie berbère, 26 | 2004, 4067-4070.