2013 – Un déjeuner en plein Ramadan pour narguer l’inquisition et l’islamisme

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Mardi 3 août 2013, des centaines de personnes se sont rassemblées à Tizi Ouzou pour déjeuner en public, en plein jour et en plein Ramadan. Une première en Algérie, où manger et boire en public avant la rupture officielle du jeûne est mal vu par les autorités politiques et religieuses mais également par la une catégorie de la société.

Partageant sandwichs, boissons et cigarettes, les participants entendaient dire « non à l’inquisition » et réclamer « la liberté d’opinion ». Un fait inédit dans un pays où les non-jeûneurs sont systématiquement traqués, intimidés et même arrêtés par la police.

Ce jour là, vers 13 heures, la place Matoub-Lounès était noire de monde. Il y avait des jeunes et des moins jeunes. Certains allumaient une cigarette, d’autres buvaient de l’eau, voire même de la bière et d’autres encore cassaient la croûte. Un pique-nique géant somme toute banal, mais en Algérie, où l’islam est la religion d’État, c’est un véritable défi au pouvoir central. Ils ont tenu à afficher leur droit élémentaire de s’alimenter, de ne pas observer le jeûne. Ils dénonçaient également la traque des non-jeûneurs par les services de sécurité algériens.

Contre-manifestation islamiste

Cet événement avait fait réagir : « Israël et la France derrières les mangeurs de ramadan » avait titré le quotidien arabophone « Echourouq », notamment.

Le lendemain, dimanche 4 août, Ali Belhadj, l’ex numéro 2 du FIS, Front Islamique du Salut, interdit d’activité politique depuis dix ans, s’est rendu à Tizi Ouzou, sur le lieu même du rassemblement, accompagné de son fils et de ses proches pour « effacer le sacrilège » commis la veille par les non-jeûneurs.
Le lundi 5 aôut, des dizaines de religieux se sont rassemblés afin de rompre le jeûne le soir après y avoir fait la prière du couchant, à quelques mètres du carrefour Matoub Lounes. Sur leur affiche, il avaient écrit : « Tous contre le MAK le 5 août 2013 à 20h00 à Tizi  »,« Kabylie amazighe et musulmane », « L’islam notre religion »,« L’arabe notre langue » ou encore « L’Algérie notre pays ».

Zedek Mouloud, menacé, avait déclaré arrêter la chanson

Zedek Mouloud était présent ce 3 août 2013 à Tizi Ouzou pour apporter son soutien aux non-jeûneurs, au nom nom de la laïcité qu’il appelle de ses voeux. Quelques jours plus tard, le chanteur populaire avait annoncé arrêter la chanson suite à des menaces sérieuses qu’il avait subites.

Zedek avait avoué avoir annoncé mettre un terme à sa carrière de trois décennies dans le souci de secouer les consciences et interpeller la population sur le fait que “nous ne sommes pas libres chez nous”. “J’ai participé au rassemblement de solidarité avec les non-jeûneurs, j’étais pratiquement le seul artiste sur place. On me voyait alors comme si j’étais l’instigateur principal. Peut-être que si j’étais anonyme, personne ne me reprocherait quoi que ce soit. J’ai subi de fortes pressions, j’ai reçu des menaces et des intimidations, même de la part de gens que je connais, avec qui j’ai partagé beaucoup de choses”, avait-il affirmé.

Sa décision avait suscité une vague de sympathie et d’émotion parmi l’opinion publique. Plusieurs personnalités et anonymes lui ont même rendu visite chez lui. C’est d’ailleurs ce soutien populaire qui a poussé Zedek à renoncer à sa décision d’arrêter la chanson.

Zedek Mouloud, aux côtés de l’ex-président du MAK, Bouaziz Ait Chebib, le 3 août 2013

Un écho international 

La Kabylie fait encore parler d’elle à l’international. Fidèle à l’image de « frondeuse » à laquelle elle est souvent associée dans les médias internationaux cet événement est venu enfoncer le clou. Plusieurs sites d’informations, français notamment, ont rapporté les faits, dont :