Conflit libyen : retour sur le parcours semé d’échecs du maréchal Haftar

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Khalifa Haftar est un militaire libyen âgé de 76 ans. Maréchal, il commande, depuis début 2015, une armée qu’il a lui même constituée : « les Forces Armées Arabes Libyennes« . Bien que cette dernière soit autoproclamée et ne bénéficie d’aucune reconnaissance, cet homme s’impose peu à peu, malgré un parcours semé d’échecs, sur la scène politique mondiale en usant de sa fameuse carte sécuritaire « Lutte contre le terrorisme« .

Ses allégeances : Abandonné par Kadhafi, il s’allie avec les Tchadiens

En 1969, Haftar participe avec Mouammar Kadhafi à renverser le régime du roi Idris 1er. Suite à cette opération, Kadhafi accède au pouvoir et se distingue par sa volonté à concrétiser ses objectifs panarabistes. En 1973, Haftar participe au conflit Tacho-Libyen autour de la bande d’Aouzou à la frontière entre les deux pays. Cette opération s’est achevée en une lourde défaite pour la Libye avec de grandes pertes humaines et des milliers de prisonniers, dont Haftar. Abandonné par Kadhafi dans la prison de la capitale tchadienne N’Djamena, ce dernier demande à rencontrer le président tchadien de l’époque, Hissane Habré, et finit par s’allier à lui contre le dirigeant de son propre pays, avec le soutien des Etats-Unis.

Proche historique des Etats-Unis, il voulait se venger de Kadhafi

Pendant les années 80, le Tchad (qui était en conflit avec la Libye) faisait l’objet d’une très forte pression de Kadhafi afin de lui livrer le général. En 1990, ce pays connaît un nouveau président, Idriss Déby, réputé proche de son homologue libyen. L’extradition de Khalifa Haftar vers son pays natal étant imminente, les Etats Unis l’ont exfiltré avec ses camarades prisonniers vers ses terres. Cette opération lui a valu le surnom de l’«homme des Américains» par les Libyens. Il s’installe près de Langley – le siège de la CIA – et continue de collaborer avec des forces étrangères pour se venger.

Révolution Libyenne de 2011 : nouvelle occasion, nouvel échec

Alors que la population Libyenne s’est révoltée contre le président Mouammar Kadhafi, Haftar regagne le pays dans l’espoir de s’installer aux commandes. Alors que les islamistes étaient majoritaires après la chute du président, ils ne lui ont pas pardonné son allégeance aux américains. Il s’est retrouvé, alors, une nouvelle fois exilé aux USA.

Début 2015, il crée son armée au nom de “la lutte contre le terrorisme”

Après les élections législatives de 2014, le pays plonge dans une crise politique et se retrouve scindé entre deux pouvoirs distincts, l’un installé à Tripoli, l’autre à Tobrouk. L’ONU a alors dirigé l’installation du Gouvernement d’Union Nationale mettant à sa tête Fayez El Sarraj, mais qui n’est pas reconnu par Tobrouk. Dans ce contexte explosif, Haftar a formé sa propre armée, à laquelle se joint d’anciens militaires du régime de Kadhafi, avec qui il reprend le contrôle du pétrole libyen en 2016. Afin de gagner en crédibilité auprès de l’opinion internationale, le maréchal justifie son action armée par la “lutte contre le terrorisme”.

Dans sa stratégie de double communication, l’armée formée par le maréchal Haftar est connue comme « Armée de Libération libyenne » à l’international, alors qu’en arabe et sur le logo de l’armée il s’agit plutôt de « forces armées arabes libyennes ». Une appellation qui annonce le sort des amazighs de Libye dans le cas d’une victoire du Maréchal Haftar

L’homme qui “ne tient jamais ses engagements”

Pour le journal Le Monde, Khalifa Haftar est simplement un allié de Paris peu crédible. En effet, suite à une rencontre discrète avec le président français dans le cadre du projet de « faire vivre les conclusions du sommet de Berlin [du 19 janvier] », Paris a eu peu d’espoir que le maréchal respecte cet accord de paix, rapporte ce même journal qui l’a décrit comme « l’allié de Paris qui ne tient jamais ses engagements ».

Le texte coranique en argument de guerre

Suite à sa nouvelle défaite, Haftar tente de remonter le moral de ses troupes avec un appel publié sur facebook, dans lequel il fustige la Turquie : « Elle (la Turquie) revient du fond de la poubelle de l’histoire, et aspire à profiter des richesses de notre pays ». Il enchaine en traitant tous ceux qui ne se battent pas aux côtés de son armée de « traitres sans honneur » et « alliés de l’envahisseur ». Ainsi, il appelle ses troupes à doubler d’acharnement envers ces derniers : « Ne montrez aucune pitié envers les alliés de la Turquie, Allah vous soutiendra, et si Allah vous soutient, nul ne peut vous vaincre » avant de se justifier avec un verset coranique : « Frappez donc au-dessus des cous et frappez-les sur tous les bouts des doigts (Al-Anfal : 12) ».